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ignoré de la plupart des hommes, mais un événement tel que la petite église, exilée aujourd’hui du catholicisme, en a conservé le souvenir jusque dans son exil. Elle maintient que cette humble recluse du XIVe siècle fut une de ses gloires.

Juliane voulait commencer une vie nouvelle. Sans doute elle avait un peu plus de trente ans. Elle pria Dieu de lui envoyer une grave maladie dont la guérison serait une sorte de résurrection, de renaissance dans cette nouvelle vie. Tous ceux qui l’entouraient croyaient qu’elle allait mourir. Elle avait reçu les sacremens. Elle était prête. On l’avait redressée, et, très doucement, elle regardait le ciel où montait son espérance. Sa paix était profonde. Elle s’abandonnait à la miséricorde de Dieu. Volontiers elle eût dit comme saint Martin : « Je ne refuse pas de vivre, et je ne crains pas de mourir... »

Soudain, sa vue s’affaiblit. Toute la chambre lui parut obscure. Seul le crucifix que lui présentait le prêtre demeurait lumineux, comme ayant conservé la clarté du jour, et ses yeux quittèrent la douceur du ciel pour ne plus se fixer que sur le crucifix. Alors le mystère de l’amour divin se découvrit devant elle. Juliane y pénétra de tout l’élan de son âme et de son cœur. Elle en rapporta pour les hommes un sublime message, des paroles magnifiques, et c’étaient des paroles sereines, c’était un message de paix.

Elle écrivit son livre longtemps après l’époque de ses révélations, mais rien n’était alors plus intensément présent à son esprit, que ces heures de miracle ; et les pages en apparaissent baignées d’une mystérieuse lueur qui n’appartient pas à ce monde.

« Notre-Seigneur, dit Juliane, me donna une vue spirituelle de l’intimité de son amour. Je vis qu’il est pour nous tout ce qu’il y a de bon et de réconfortant. Et ainsi, selon ce que j’ai compris, il est comme un vêtement qui nous enveloppe, nous entoure, nous serre avec un amour si tendre qu’il ne peut jamais nous quitter... Quand notre cœur et notre âme ne se sentent pas à l’aise, c’est que nous cherchons ici-bas un repos dans des choses qui, en raison de leur petitesse, ne sauraient nous les procurer... Mais quand, par amour et de plein gré, l’âme s’anéantit pour posséder Celui qui est tout, c’est alors qu’elle peut goûter le repos spirituel. » « La bonté de Dieu, déclare-t-elle un peu plus loin, embrasse non seulement toutes