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elles, car elles sont mortes au monde, et les morts ne mangent pas avec les vivans. Il les engage à communier quinze fois par an, à s’y préparer par de sérieuses confessions, à éviter les embarras qui tombent sur Marthe.

Leur part est celle de Marie. Les recluses ne doivent pas être des ménagères, ni des fermières ; il les désapprouverait de garder des animaux, de posséder du bétail, et cependant il leur permet le luxe d’un chat, d’un unique chat. Qu’elles se vêtent de noir ou de blanc, « pourvu qu’elles soient simples ; » elles sont autorisées à marcher pieds nus en été. Elles peuvent écrire ou recevoir des lettres, avec une permission. Et même lorsqu’elles sont souffrantes, elles doivent se divertir par des histoires instructives. Leurs servantes iront deux par deux leur acheter le nécessaire, et se distingueront par une mise austère indiquant leur état religieux.

A certaines pages, on trouve de ces minuties qui nous introduisent dans l’intimité des recluses, et nous rendent en quelque sorte témoins de leur vie quotidienne. A d’autres, nous retrouvons l’écho des principes déjà connus : une belle leçon sur la maladie, par exemple, et sur l’office spirituel qu’elle a mission d’accomplir dans l’humanité : « La maladie est le médecin de l’âme, en guérit les blessures, et l’empêche d’en recevoir de nouvelles... La maladie fait comprendre à l’homme ce qu’il est, et lui enseigne à se connaître soi-même. La maladie est l’orfèvre qui, dans la béatitude du ciel, enrichit la couronne... » Ceux qui ont renoncé à leurs biens se trouvent à même de donner les plus belles aumônes, et font la charité même aux rois.

Tout ce petit livre divisé en huit parties qui s’appellent : Du Service Divin, de la Garde du Cœur, Leçons et Exemples moraux, des Tentations et des moyens de les éviter, de la Confession, de la Pénitence, de l’Amour, Devoirs domestiques et sociaux, veut préparer le cœur des recluses à devenir, par l’amour, le sanctuaire de l’Hôte Divin.

Il y avait, sans doute, au XIIIe siècle, une littérature pour les recluses, et l’Angleterre paraît en avoir été spécialement favorisée, puisqu’elle vit éclore le Luve Ron de Thomas de Hales qui est, d’après son titre, une Chanson d’Amour et qui nous représente un très beau poème d’amour mystique :

Une vierge du Christ m’a demandé instamment de composer pour elle une chanson d’amour...