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à ceux qui soignent les malades, d’avoir, en pansant chaque blessure, « compassion du monde entier en présence de la Divine miséricorde. » Au XVIe siècle, sainte Thérèse dit à ses filles : « Ayez toujours des pensées généreuses ; par là vous obtiendrez du Seigneur la grâce que vos œuvres le soient également... J’ai fait voir combien il est avantageux que les désirs soient grands, lorsque les œuvres ne peuvent l’être... Les âmes que Dieu a conduites à un état si relevé doivent en tirer parti pour sa gloire, et ne pas se confiner dans d’étroites limites. » « A quelque moment du jour et de la nuit, insistait déjà notre auteur anglais, rappelez dans votre esprit ceux qui sont malades, qui ont du chagrin, qui souffrent l’affliction et la pauvreté, les douleurs qu’endurent les prisonniers lourdement enchaînés de fer ; pensez spécialement aux chrétiens qui se trouvent chez les païens... Pensez aux chagrins de tous les hommes, et soupirez devant Notre-Seigneur... »

De telles pensées doivent les occuper, mais il ne faut pas qu’elles écoutent les rapports des bavards et des médisans. L’auteur de la Règle les soupçonne de se glisser partout, ces bavards et ces médisans, et, à l’entendre, nulle clôture ne serait assez stricte pour les décourager. Ici je note, en ce lointain XIIIe siècle, une pointe d’humour britannique qui m’apparaît assez pittoresque chez le vieil écrivain : « Les gens disent des recluses que chacune, ou presque, connaît une vieille femme qui lui nourrit les oreilles ; une babillarde de potins qui lui raconte toutes les histoires du pays ; une pie qui jase de tout ce qu’elle voit et entend ; de sorte que c’est un dicton commun : « Du marché, de la forge et du couvent, se rapportent les nouvelles. » Le Christ sait que c’est un triste dicton, celui qui assimile un couvent — le lieu qui devrait être de tous le plus solitaire — à ces endroits où résonnent tant de discours inutiles ! Plût à Dieu, chères sœurs, que toutes les autres fussent aussi éloignées que vous d’une pareille folie ! »

Notre auteur ne perd jamais l’occasion de donner à ses sœurs spirituelles quelques louanges délicates. Cependant il leur conseille fortement d’éviter les flatteurs, de ne pas écouter les flatteries ; leur recommandant le silence, il cite Sénèque, et souhaite que leur parloir soit très petit, sans doute pour n’accueillir que peu de personnes.

Il est donc bien évident que ces recluses occupent toute une