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Je ne puis entrer ici dans un résumé, même élémentaire, de cette presque miraculeuse immunité ; il me suffira de donner un exemple familier à tous ; c’est celui de la vaccine. Alors, dans l’organisme inoculé il se fabrique des poisons (par les microbes), mais aussi des contre-poisons (par l’organisme). Les poisons disparaissent vite ; mais les contre-poisons persistent, si bien que, même au bout de plusieurs années, ils sont encore présens dans le sang, et empêchent l’individu vacciné de contracter la variole. S’il a été ainsi, par la vaccine, immunisé contre la variole, c’est parce que ses humeurs et ses cellules ont fabriqué des contre-poisons, avec une précision technique déconcertante, avec une habileté chimique si incompréhensible qu’elle prend toutes les apparences d’un mystère profond.

Ainsi, de toutes parts, qu’il s’agisse de l’animal sain ou de l’animal malade, qu’il s’agisse de l’homme ou de l’être inférieur, nous trouvons un rapport si étroit entre l’être et les conditions de l’être, qu’il est impossible de ne pas conclure à une adaptation.


VII

Cette adaptation est trop évidente pour pouvoir être niée. Aussi tous les biologistes sont-ils d’accord pour reconnaître que les êtres vivans sont dans un état de parfaite harmonie avec le milieu qui les entoure, qu’ils sont construits pour vivre, et bien vivre, de manière à résister aux innombrables ennemis qui les assaillent à toute heure.

Mais ils ne voient pas là un fait intentionnel ; ils considèrent que c’est la fatale conséquence de la sélection et de l’hérédité. Ils disent : « ceux-là seuls parmi les êtres ont pu survivre qui étaient pourvus de défenses efficaces. Les médiocres, les faibles, les impuissans ont disparu. Toutes les ébauches que la Nature a tentées et tente constamment échouent misérablement, quand ces ébauches sont incapables de résister aux causes de destruction. Il faut être bien adapté pour vivre : et, comme les caractères se transmettent par l’hérédité, il n’y a eu, depuis des milliers de siècles, pour ne pas disparaître et pour perpétuer races et espèces, que des êtres bien adaptés. En même temps que des millions et des millions de naissances, chaque seconde du temps qui s’écoule voit des millions et des millions d’avortemens. Loi