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maladies, » qui peuvent pulluler même dans le sang vivant et déterminer la mort. Mais ce n’est là nullement une objection. Il est bien évident en effet que, même théoriquement, nulle force destructrice ne peut être souveraine, assez forte pour combattre victorieusement tous les ennemis, quels que soient leur nombre et leur qualité. De fait, la plupart des microbes sont détruits par le sang et les leucocytes ; mais quelques-uns, en tout petit nombre, résistent avec succès, et ce sont ceux-là qui sont causes des maladies.

Or ce qui est vraiment surprenant, ce n’est pas qu’il y ait quelques rares microbes pathogènes, mais bien qu’il s’en rencontre si peu. Des millions de germes pénètrent par le poumon et sont à chaque instant détruits ; car nous ne sommes pas dévorés par eux, et les actions chimiques de l’être vivant sont assez puissantes pour les anéantir.


Le sang possède encore une autre propriété plus étonnante encore que celle de la destruction microbienne. Il neutralise les poisons, et fabrique des contre-poisons (antitoxines).

On a été amené à constater ce fait remarquable par une série d’expériences qui remontent à 1888. Je démontrai en 1888 que le sang des animaux ayant subi une infection, et guéris, protège contre cette infection même quand on l’injecte à un autre animal. A la suite de cette expérience, j’essayai l’injection thérapeutique de certains sérums (première sérothérapie, 1890)., Deux ans après, Behring faisait une très belle découverte en constatant que le sérum des animaux infectés et guéris contient une substance antitoxique, une antitoxine, qui a le pouvoir de détruire et de combattre la toxine sécrétée par les microbes.

Ainsi, quand des poisons sont déversés dans le sang par les microbes, le sang est doué d’un étrange pouvoir. Il fabrique des contre-poisons ; il produit des corps qui neutralisent les poisons, à peu près comme l’acide sulfurique neutralise la potasse.

Chaque fois qu’on injecte un poison (colloïde), aussitôt le sang et les cellules fabriquent l’antitoxine nécessaire, si bien que contre une seconde injection l’animal est protégé. C’est l’immunité acquise, une des conditions les plus surprenantes de la vie biologique des êtres : car à chaque toxine, microbienne ou non, l’être oppose aussitôt une antitoxine spéciale, contre-poison de cette toxine même, et non des autres toxines.