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la mort par l’asphyxie survient alors trois fois plus vite. Quand il expose ces faits curieux à son auditoire, le professeur a bien le droit de dire que le nerf pneumogastrique a un rôle protecteur.

Et ce que dit le professeur, le savant doit le dire aussi ; car il serait déraisonnable de supposer que la relation est fortuite entre la toux réflexe et l’expulsion du corps étranger, entre le ralentissement du cœur et la prolongation de la vie dans l’asphyxie, comme entre l’expulsion d’un poison ingéré, et le vomissement qui suit l’ingestion du poison.

Pour nous prémunir contre nous-mêmes, d’admirables et puissans instincts sont préposés à la garde de notre organisme, plus vigilans que notre intelligence même. C’est comme si la Nature, se défiant de nous, avait confié à des forces inconscientes la mission de nous défendre.

Le vertige nous interdit d’avancer quand nous voyons autour de nous s’enfoncer des précipices.

La peur fait fuir l’animal, avant même qu’il ait pris le temps de réfléchir. Surpris par un bruit soudain, le fièvre détale.

Le dégoût est un sentiment de répulsion instinctive pour des substances qui le plus souvent sont nuisibles. Les poisons sont presque sans exception nauséabonds ; les alcaloïdes toxiques, comme la strychnine, la morphine, la quinine, sont tous d’une amertume insupportable. Ce serait une bien étrange prudence scientifique que d’attribuer cette amertume à un simple hasard.


Mais, de tous les sentimens protecteurs, le plus efficace est certainement le sens de la douleur.

Parfois on est tenté de maudire la douleur. Les souffrances terribles et injustes que le mal physique déchaîne excitent notre indignation ; car on ne voit pas bien tout d’abord pourquoi tant de misères et de larmes. Mais bien vite on comprend que l’iniquité n’est qu’apparente, et que la douleur est une condition essentielle de la vie.

Si toute lésion de la peau n’était pas soudain très douloureuse, nous ne serions certes pas assez sages pour la protéger sans cesse, jalousement. Ce n’est pas pour obéir à de sagaces syllogismes que nous défendons notre peau ; c’est, parce que toutes les fois qu’elle est pincée, ou brûlée, ou coupée, ou déchirée,