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Nulle des fonctions régulatrices de l’organisme n’est aussi curieuse à étudier que celle de la chaleur.

On peut séparer les animaux en deux groupes : d’une part, ceux qui maintiennent leur température constante, quelles que soient les variations de la température extérieure (homéothermes) ; ce sont les mammifères et les oiseaux ; d’autre part, ceux qui sont de température changeante, subissant docilement et sans périr les oscillations de la température ambiante (hétérothermes) : ce sont les vertébrés inférieurs, batraciens, poissons, reptiles, et tous les invertébrés.

Quelle que soit la température qui nous entoure, nous avons toujours 37° ; les oiseaux ont toujours 42° ; les mammifères ont toujours 39°. Mais un poisson, un reptile, un mollusque aura 0", s’il « est dans un milieu à 0° : il aura 10°, ou 20°, ou 32°, si la température extérieure est à 10°, à 20°, ou à 32°. Pour connaître la température d’un invertébré, il suffira de savoir la température du milieu où il vit ; car il ne s’en éloigne jamais ; tandis que, pour connaître la température (normale) d’un oiseau ou d’un mammifère, il suffira, en général, de savoir celle qui est indiquée par les auteurs classiques ; car cette température est constante.

Déjà cette première différence entre les homéothermes et les hétérothermes entraîne une première conclusion qui parait nécessaire, encore qu’entachée de finalisme. Il y a un notable progrès des hétérothermes aux homéothermes.

Et en effet le progrès existe, quand la vie physiologique ou psychologique des êtres n’est pas sous la dépendance tyrannique des conditions extérieures. Or l’activité des organismes est fonction de leur température ; d’autant plus grande que leur température propre est plus élevée : car la vie est essentiellement un phénomène chimique, et tous les phénomènes chimiques sont d’autant plus intenses et rapides, qu’ils se font dans des milieux plus chauds. Une grenouille placée dans de l’eau à 0° se meut paresseusement ; elle est presque insensible, et ses fonctions psychiques sont à peu près nulles ; mais, si on la met dans de l’eau à 25°, elle prend la température de cette eau et devient un tout autre animal, actif, sensible, agile, mobile, affamé, attentif à tous les bruits, réagissant promptement et énergiquement à toutes les excitations.

Il en est de même pour les poissons et tous les hétérothermes.