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muscle contient toujours à peu près la même quantité de sucre (un peu moins que le sang artériel) ; mais la circulation est beaucoup plus active pendant la contraction, de sorte que la quantité de sucre qui brûle devient alors beaucoup plus grande, sans que pourtant le sang veineux en soit trop appauvri.

Ici encore il me parait que le physiologiste a le droit de faire remarquer que, par cette circulation plus active, la stabilité chimique du sang est assurée, et que, malgré une combustion plus intense, le sang veineux n’est jamais dépourvu de sucre.

Ce n’est nullement une objection que de voir parfois le sucre disparaître du sang veineux musculaire ; car, si la combustion musculaire est trop intense, tout le sucre du sang est brûlé. Mais nous en sommes avertis par la sensation douloureuse (fatigue musculaire) qui se produit alors. Un mécanisme ne peut être assez parfait pour suffire à tous les abus. Il n’est pas de machine si bien construite, qui puisse toujours résister aux dépenses immodérées qu’on lui demande.

Loin de voir là un défaut à l’appareil régulateur du glycose, on y verra une perfection de plus, puisque l’organisme est aussitôt averti par une sensation impérieuse de fatigue qu’il y a excès dans le travail musculaire. Tant que la machine travaille régulièrement, nous ne souffrons pas ; mais une douleur vive avertit aussitôt qu’il y a excès de travail. Existe-t-il, dans l’industrie, beaucoup d’appareils avertisseurs aussi délicats ?

La stabilité chimique du sang est encore assurée par d’autres mécanismes régulateurs, aussi exacts que celui du sucre. Ainsi le chlorure de sodium est en quantité constante dans le sang. Si, par une alimentation trop salée, nous ingérons trop de sel, aussitôt il est activement éliminé par l’urine. Jadis j’ai fait sur ce point une expérience décisive. J’ai pris trois chiens dont l’un (A) recevait beaucoup de sel, l’autre (B) n’en recevait qu’une quantité très modérée, à peine suffisante, le troisième (C) n’en recevait pas du tout. Eh bien ! au bout de quelques semaines, ces trois chiens avaient tous trois exactement la même quantité de sel dans le sang. Le chien C, qui ne recevait pas de sel, n’en éliminait pas, et gardait dans son sang toute la quantité nécessaire. Le chien B éliminait très peu de sel, juste la quantité qu’on lui donnait. Et le chien A éliminait très vite, en une heure à peine, le grand excès de sel qu’on lui faisait ingérer.