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quelque avantage aux individus pourvus d’une poche d’encre, et que ceux-là ont survécu qui se trouvaient en état de résister à leurs ennemis.

« Toutes les espèces mal adaptées disparaissent. Il en est de même des individus. Parmi les innombrables germes... ceux-là seuls se développent qui sont doués d’une faculté d’adaptation. Le moindre défaut d’organisation est pour eux un arrêt de mort. C’est pour cette raison que nous ne voyons que des individus bien organisés... Tous les exemples qui pourraient servir à démontrer que l’œuvre de la Nature n’est pas forcément bonne, ont disparu parce qu’il leur était impossible de subsister. C’est comme un procès où les témoins à charge seraient tous morts ; on serait naturellement porté à donner raison aux témoins à décharge... Les murs des sanctuaires de pèlerinage sont couverts d’ex-voto offerts par les pèlerins qui ont obtenu ce qu’ils demandaient ; mais on ne voit nulle part le témoignage de ceux qui n’ont pas eu satisfaction. »

A cette critique pénétrante, M. Leclerc du Sablon en ajoute une autre, qui n’est pas moins digne d’attention, c’est que beaucoup d’organes sont inutiles, beaucoup de formes sont sans aucun avantage. Pourquoi les structures spécifiques des feuilles ? Pourquoi la couleur des fleurs ? Pourquoi le péricarpe charnu des fruits ? Pourquoi chez les animaux tant de parures inutiles ? Et il n’a pas de peine à montrer que bien des organes paraissent absolument inutiles aux êtres qui en sont pourvus.

Mais il semble que ce soit prendre beaucoup de peine pour réfuter une opinion que personne ne songe à défendre. Et en effet les modernes défenseurs, les plus ardens, du finalisme n’ont jamais prétendu tout expliquer, tout justifier dans la nature par une fin. Ce serait trop beau.

D’autre part, personne ne conteste l’action des causes naturelles. Aucun biologiste, j’imagine, ne songe à vouloir faire renaître l’hypothèse d’une création intentionnelle, particulière pour chaque être ; tous pensent que la conformité des êtres aux conditions de leur existence n’a pu s’établir que par des causes naturelles sans l’intervention de quelque force surnaturelle qui préside à ces successives ébauches. Ç’a été uniquement par les conflits naturels et nécessaires des forces physico-chimiques que l’adaptation a pu se faire.

Dire qu’il y a à toutes les formes vivantes des causes naturelles,