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Et, pour les choses terrestres elles-mêmes, ne nous figurons pas que nous sommes capables de tout savoir. Si elles étaient connues de façon adéquate, si notre microcosme était pénétré, il s’ensuivrait la connaissance approfondie du grand Cosmos.

Tout de même, en regardant autour de nous, près de nous, les évolutions des formes vivantes, leurs formes, leurs fonctions, nous pouvons étudier quelques faits, formuler quelques lois. L’observation et l’expérience nous ont révélé de ci de là des phénomènes dont la connaissance entraine l’étonnement et l’admiration.

Il s’agit alors de savoir si ces phénomènes, ces faits, ces lois, ne sont pas susceptibles d’une interprétation générale. Sous la multiplicité des apparences ne se découvrirait-il pas quelque principe caché ? Ces secrets ressorts dont on parlait tout à l’heure, impossibles à découvrir pour la généralité de l’univers, ne pouvons-nous les rechercher pour les êtres qui vivent à la surface du globe terrestre ? Limitée ainsi, une tentative pour aborder le problème des causes finales ne paraîtra pas démesurément ridicule.

Elle reste cependant très audacieuse, très imprudente encore. La plupart des savans sont positivistes, et rejettent de propos délibéré tout ce qui n’est ni démontré, ni directement démontrable. Et ils ont raison. Les erreurs longues et graves de nos ancêtres, et nos erreurs actuelles, — qui, pour n’être pas connues de nous, n’en sont pas moins graves, — sont dues à ce que les savans d’autrefois ont obéi à l’imagination plus qu’à l’expérience, et se sont contentés de preuves insuffisantes. Or toute démonstration directe d’une finalité dans la nature vivante sera manifestement impossible. Ce ne sera jamais qu’une conclusion, une déduction, et par conséquent une hypothèse.

Est-il permis de faire cette hypothèse ? C’est ce que nous allons examiner ici.


III

Aux premiers temps de la physiologie, Galien, le créateur de cette science, étudiant avec une sagacité profonde la fonction des organes, avait été frappé par l’agencement méthodique et harmonique des parties. Pour lui, chaque élément du corps préside à une fonction déterminée, précise, et est admirablement