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Mahon en levant son épée d’avoir la victoire. Il l’eût fait bien volontiers, mais comment s’y serait-il pris ? Cette victoire était impossible.

L’armée de la Meuse, en possession de la rive droite du fleuve, maîtresse des ponts qui commandaient la rive gauche, n’avait plus rien, le 28 août, à redouter d’une attaque de Mac Mahon. La sécurité de l’état-major allemand était, à juste raison, telle qu’il renonçait à la concentration ordonnée sur Damvillers, et que, certain désormais de pouvoir nous joindre avec des forces supérieures sur la rive gauche de la Meuse, il télégraphiait au prince Frédéric-Charles que le concours d’une portion de l’armée de blocus était désormais superflu.

Admettons par hypothèse que les calculs fantastiques de Palikao se réalisent, que l’armée ait réussi à franchir à marches forcées les étapes qui la séparaient de Metz, imaginait-il que nous allions trouver la ville de Metz ouverte et à discrétion ? N’oubliez pas que Metz est investie sur les deux rives de la Moselle. Bazaine, averti à temps, peut-il joindre son attaque par derrière à notre attaque de face et prendre ainsi les ennemis entre deux feux ? Dans ce cas, les troupes allemandes de la rive droite ne resteront pas immobiles ; elles traverseront le fleuve et assailliront par derrière Bazaine qui, à son tour, sera pris entre deux feux. Et tous ces engagemens permettront à l’armée du prince de Saxe de se rapprocher, à celle du prince royal de la suivre, et alors Bazaine sera maintenu dans Metz et nous, encerclés par des forces supérieures, nous n’aurons encore qu’à déposer les armes.

Mais tout ceci même n’est que suppositions chimériques. Dans aucun cas, l’armée de Mac Mahon n’était en état de devancer vers Metz celle du prince royal de Saxe. Quoi que nous fissions et quoi qu’il arrivât, nous n’aurions pas notre victoire et, par une catastrophe certaine, nous allions donner à la Révolution cette dernière chance qu’elle attendait : on ne sauvera pas la dynastie et on perdra la France.

La seule manière de venir à bout de la Révolution n’était pas de la fuir au loin, c’était de se retourner contre elle, de la braver dans Paris même, de l’anéantir là, dût-on retarder de quelques jours les opérations contre les Prussiens.

Qu’allait donc faire Mac Mahon dans cette terrible occurrence ? Il n’avait pas à opter entre abandonner Bazaine ou ne