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exécutable, qu’on obéissait à un devoir étroit, à un sentiment patriotique élémentaire, en essayant de dégager la belle et nombreuse armée de Bazaine, de la sauver d’une destruction presque complète ou d’une capitulation honteuse. Il lui paraissait impossible de laisser se consommer l’effondrement de la France sans tenter ce suprême effort. Il conseilla de faire partir sur-le-champ un officier avec le double des dépêches expédiées la nuit et avec des instructions détaillées. Et comme Palikao répondit qu’il le ferait en rentrant au ministère : « Non, dit Rouher. — Non, dit l’Impératrice, quittez le Conseil immédiatement, prenez la voiture de service et faites sur-le-champ ce que conseille le maréchal Vaillant ; et Palikao quitta aussitôt le Conseil et alla expédier dépêche et instructions[1]. L’Empereur fut réveillé au milieu de la nuit par le télégramme qui lui était adressé : il l’envoya immédiatement à Mac Mahon par l’un de ses officiers, en le priant de venir en conférer avec lui avant de prendre son parti. Puis Mac-Mahon reçut à son tour le télégramme que lui envoyait Palikao au nom du Conseil privé et du Conseil des ministres.


XII

Cet acharnement à détruire soi-même notre dernière armée stupéfait, consterne, puis irrite, et, à la lecture du télégramme maudit, on a de la peine à retenir les dures qualifications. Quel titre avait donc Palikao, enfermé à Paris, de contredire Mac Mahon présent sur les lieux ? Son coup de main en Chine contre des ombres de soldats le plaçait-il au-dessus du vainqueur de Malakoff et de Magenta ? Son audace offensive était-elle supérieure a celle de Mac Mahon ? Et quand l’homme, qui avait tant osé à Wœrth, déclarait, le champ de bataille devant lui, qu’on ne devait rien oser en Lorraine, un ministre, n’ayant devant lui que des cartes, ne commettait-il pas un acte d’insolente irrévérence en ne s’inclinant pas devant une appréciation qu’il était hors d’état de contrôler ?

« Si nous n’allons pas secourir et débloquer Bazaine, disaient les ministres, la révolution éclatera à Paris, marchez donc et soyez victorieux ! » En vérité, il semble qu’il dépendît de Mac

  1. Carnet du maréchal Vaillant.