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de se porter immédiatement vers Bazaine n’était pas exécuté, il afficherait dans toute la France que l’Empereur était responsable des désastres qu’occasionneraient les retards apportés à la réunion des deux armées[1].

Il télégraphia immédiatement, coup sur coup à l’Empereur, (11 heures du soir) et à Mac Mahon (1 h. 30). A l’Empereur il disait : « Si vous abandonnez Bazaine, la révolution est dans Paris et vous serez attaqué vous-même par toutes les forces de l’ennemi. Contre le dehors Paris se gardera. Les fortifications sont terminées. Il me paraît urgent que vous puissiez parvenir rapidement jusqu’à Bazaine. Ce n’est pas le prince royal de Prusse qui est à Châlons, mais un des princes, frère du roi de Prusse, avec une avant-garde et des forces considérables de cavalerie. Je vous ai télégraphié ce matin deux renseignemens qui indiquent que le prince royal de Prusse, sentant le danger auquel votre marche tournante expose son armée et l’armée qui bloque Bazaine, aurait changé de direction et marcherait vers le Nord. Vous avez au moins trente-six heures d’avance sur lui, peut-être quarante-huit. Vous n’avez devant vous qu’une partie des forces qui bloquent Metz, et qui, vous voyant vous retirer de Châlons sur Reims, s’étaient étendues vers l’Argonne. Votre mouvement sur Reims les avait trompés, comme le prince royal de Prusse. Ici, tout le monde a senti la nécessité de dégager Bazaine et l’anxiété avec laquelle on vous suit est extrême. »

La dépêche à Mac Mahon était plus impérative : « Au nom du Conseil des ministres et du Conseil privé, je vous demande de porter secours à Bazaine en profitant des trente heures d’avance que vous avez sur le prince royal de Prusse. Je fais porter corps Vinoy sur Reims. »

Le lendemain matin, il communiqua ses télégrammes de la nuit au Conseil des ministres et au Conseil privé, en exprimant son vif mécontentement des hésitations de Mac Mahon. Il recommença ses calculs et s’acharna à démontrer que le maréchal avait au moins trente-six heures d’avance. « Qu’il marche donc ! s’écria-t-il, qu’il marche vite sans regarder derrière lui, et la fortune peut nous revenir ! « Le maréchal Vaillant, par une aberration inconcevable en un militaire aussi expérimenté, s’unit à lui et déclara que sa conception était belle et

  1. Ce fait, raconté par le général Wimpffen, n’a été nulle part contesté par Palikao.