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annoncent que l’armée du prince royal de Prusse se dirige aujourd’hui sur les Ardennes avec 150 000 hommes ; elle serait déjà à Ardeuil. Je suis au Chêne avec plus de 100 000 hommes. Depuis le 10, je n’ai aucune nouvelle de Bazaine. Si je me porte à sa rencontre, je serai attaqué de front par une partie des 1re et 2e armées qui, à la faveur des bois, peuvent dérober une force supérieure à la mienne, en même temps attaqué par l’armée du prince royal de Prusse me coupant toute ligne de retraite. Je me rapproche demain de Mézières, d’où je continuerai ma retraite, selon les événemens, vers l’Ouest. »

L’Empereur approuva hautement la résolution de Mac Mahon, et il n’est aucun des officiers sérieux, grands ou petits, qui ne fissent de même. Aucun de ces braves gens ne crut manquer à l’honneur, car, ainsi que l’a dit Montluc, « on n’est pas moins digne de blâme lorsqu’on se perd, se pouvant retirer de la mêlée et qu’on se voit perdu, que si du premier coup on prenait la fuite. »

Afin d’alléger les mouvemens de l’armée de la présence du prince impérial, l’empereur, de Tourteron même (7 heures du matin), dirigea le Prince sur Mézières où il arrivera comme une espèce d’avant-garde de l’armée.

« Ne pensez-vous pas, avait dit au maréchal son chef d’état-major général, le général Faure, lorsqu’il lui eut communiqué sa dépêche, qu’il venait de dicter au colonel Stoffel, ne pensez-vous pas que vous avez tort d’envoyer cette dépêche au ministre ? On vous répondra de Paris de telle manière que vous serez peut-être empêché de mettre vos nouveaux projets à exécution. Vous pourriez ne l’expédier que demain, lorsque nous serons déjà en route pour Mézières. » Le maréchal réfléchit un instant, n’écouta pas l’avertissement et fit expédier la dépêche[1]. ;


XI

Le pressentiment du général Faure ne tarda pas à se vérifier. A la lecture du télégramme de Mac Mahon, Palikao fut saisi d’une véritable fureur d’homme buté : quelqu’un osait donc encore contredire son extravagance stratégique ! Il se rendit chez l’Impératrice et lui déclara que, si l’ordre donné au maréchal

  1. Stoffel, p. 83.