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rive droite. L’armée de la Meuse occupera les ponts à Dun et à Stenay et elle poussera sa cavalerie dans notre flanc droit, mais son gros gagnera Damvillers, qu’on choisit comme champ de bataille. Le prince Frédéric-Charles est invité à diriger sur ce point deux des corps consacrés à l’investissement de Metz, de façon qu’ils y soient arrivés le 28 au plus tard. Si, pour arrêter une tentative de passage de Bazaine par l’Ouest, qui doit être empêchée à tout prix, il est nécessaire d’abandonner le blocus sur la rive droite de la Moselle, on lui en donne l’autorisation. Enfin l’armée du prince royal marchera à toute vitesse sur Sainte-Menehould, afin de nous couper de nos communications avec Paris et le Nord.

Les marches, que ces dispositions subitement arrêtées imposent, sont exécutées avec entrain, quoiqu’elles soient très pénibles et très longues, car chacun sent qu’elles acheminent à une prompte solution. On les rendit moins dures en faisant bivouaquer les troupes, parce qu’on n’aurait pu leur faire gagner les cantonnemens qu’en les disloquant, ce qui leur eût été une fatigue de plus.

Mac Mahon, en se rendant compte qu’il n’avait pas une armée devant lui à Grand Pré, se convainquit non moins clairement qu’il n’allait pas tarder à être pris, comme il l’avait prévu, dans une souricière entre trois armées. On avait appris, en effet, que le prince royal de Prusse, suspendant sa marche sur Paris, s’avançait vers le Nord par Sainte-Menehould, et qu’une armée autre que la sienne montait par Varennes et occupait déjà les ponts de Dun et de Stenay, ce qui les rendait maîtres de la rive gauche de la Meuse. D’autre part, il continuait à n’avoir aucune nouvelle de Bazaine, ce qui indiquait, à n’en pas douter, qu’il n’avait pu entamer le mouvement risqué par Montmédy, qu’il avait annoncé dubitativement.

Devinant, dans les lointains de l’horizon, les armées qui s’avançaient vers lui, il jetait tristement un regard sur la sienne. Elle était partie de Châlons dans le triste délabrement que nous avons dit ; à chacune de ses étapes, son état physique et moral avait empiré. Une portion se maintenait fière, digne, solide, disciplinée. Mais une autre portion, très considérable, était passée à l’état de fricoteurs et de maraudeurs. « Sous le spécieux prétexte d’ôter un caillou de la chaussure, d’ajuster le sac de prendre de l’eau, de boire un coup,