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troupes demeurent debout sous la pluie, les pieds dans la boue, attendant l’ennemi qui, tout entier à la satisfaction d’avoir repris le contact perdu depuis Wœrth, et de savoir que nous n’avions pas encore atteint Dun, ne se montre pas. Nous ne vîmes arriver que la division Dumont qui vint se morfondre à côté de nous.

Cependant Douay et Mac Mahon finirent par s’apercevoir qu’ils n’avaient pas une armée sur le dos, que Grand Pré n’était pas occupé par les Allemands. Le maréchal arrêta la marche de ses troupes sur Vouziers, ramena le 1er corps de Vandy sur Voncq ; le 12e corps de Châtillon au Chêne ; la cavalerie Bonnemain à Attigny. Le 5e corps d’armée, qui était à Buzancy, avec la division Margueritte sur sa gauche à Beaumont, reçut l’ordre de se replier sur Châtillon. Avant qu’il l’eût fait, quelques escadrons de cavalerie saxonne attaquaient deux escadrons de notre 12e régiment de chasseurs, partie à pied, partie à cheval, aux débouchés de la ville. Les chasseurs sont d’abord rejetés dans la place ; puis ils reparaissent en nombre et rejettent les Saxons. Ceux-ci reviennent à leur tour, plus nombreux et soutenus par les obus d’une batterie à cheval. Évidemment, si Failly, qui était en arrière, eût soutenu sa cavalerie, il eût infligé aux Saxons une sanglante leçon : il se contenta de recueillir ses escadrons et d’opérer avec eux la retraite dont il avait reçu l’ordre.


IX

Désormais tous les doutes de l’Etat-major allemand sont dissipés : ce qu’il avait d’abord cru impossible, ce qui lui avait ensuite paru plausible, lui apparaissait certain. Dès qu’elle avait reçu les rapports de sa cavalerie, le 26 août, l’armée saxonne avait commencé la conversion vers le Nord. Avant même de les avoir reçus, le prince royal, quoiqu’on lui eût prescrit de rester provisoirement sur l’expectative, avait fait de même. Dans la soirée, l’ordre est envoyé aux fractions de l’armée allemande qui avaient déjà commencé le changement de front, de le continuer, et à celles qui ne l’avaient pas encore commencé, de l’opérer.

L’état-major ne se croit pas encore en mesure d’aller affronter, sur la rive gauche de la Meuse, l’armée française. Il prescrit les mesures pour la recevoir vigoureusement sur la