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encourir la malédiction du pays. D’autres feuilles de Paris rapportèrent les discours prononcés au Corps législatif signalant la honte qui rejaillirait sur le peuple français si l’armée du Rhin n’était pas secourue. Enfin un nouveau télégramme de Londres manda d’après le Temps, du 23 août, que Mac Mahon s’était subitement décidé à courir à l’aide de Bazaine, bien qu’en découvrant la route de Paris il compromît la sécurité de la France ; que toute l’armée de Châlons avait déjà quitté les environs de Reims, mais que cependant les nouvelles reçues de Montmédy ne faisaient pas encore mention de l’arrivée des troupes françaises dans ces parages.

Un haut personnage anglais, présent au camp prussien, m’a conté la joie exubérante qui y éclata lorsqu’on reçut ces nouvelles, qui dissipaient les incertitudes et annonçaient que nous allions nous-mêmes nous mettre, le long de la frontière belge, dans la position de détresse à laquelle, dès le début, les Allemands avaient médité de nous acculer.

Une conversion générale de l’armée sur la droite, pour rompre dans le Nord, était la conséquence obligée de la nouvelle d’une tentative de Mac Mahon vers Metz. Cependant, bien que les renseignemens concordans des journaux français rendissent cette sottise plausible, elle paraissait encore tellement invraisemblable à l’état-major, qu’il voulut la certitude matérielle afin d’y croire. Il ne fut pas davantage ému de la lettre saisie d’un officier supérieur de Metz indiquant l’espoir d’être bientôt secouru par l’armée de Châlons[1]. Il limita pour le 26 août la conversion partielle sur la droite, à l’armée de la Meuse, aux Bavarois et aux Wurtembergeois. La troisième armée reçut seulement l’ordre de concentrer étroitement le gros de ses forces sur sa droite et de se mettre en mesure, soit de prolonger le mouvement de son aile gauche sur Reims, soit de la rabattre vers le Nord, à la suite de l’armée de la Meuse. L’armée de la Meuse elle-même ne devait rompre vers le Nord que si les rapports de la cavalerie, jetée sur Vouziers et Buzancy, apportaient la preuve matérielle, qui paraissait indispensable, de l’incroyable manœuvre vers Metz.

L’armée française, complétant le rôle d’éclaireur de l’ennemi si amplement rempli par la presse française, ne tarda pas à fournir cette certitude matérielle.

  1. Sedan, Revue des Deux Mondes, 1872.