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si manifestement opposée à l’intérêt bien entendu de ceux à qui on l’attribuait et à toutes les données du bon sens. Il persista à ne pas changer la direction de l’armée ; il se contenta de donner l’ordre (11 heures du matin, Bar-le-Duc) de gagner légèrement vers la droite par un mouvement général, puis, une fois les troupes dans leurs nouveaux emplacemens, de les laisser reposer le 27, pour faire serrer les convois, aligner les vivres, de manière à traverser sans difficultés les parties stériles de la Champagne. Le prince royal estima qu’il valait mieux risquer un retard dans la marche sur Paris, retard toujours réparable, que de manquer une bataille décisive vers le Nord, ce qui eut été irréparable. Un article du Siècle du 24 août l’avait confirmé dans cette idée que son corps exécuterait le 25 le resserrement qui avait été fixé le 23. Mais dans la soirée du 23 parvinrent aux Allemands des preuves qu’avec certains adversaires l’absurde est le probable, et que le plan, qui au point de vue militaire leur avait paru inadmissible, était en voie d’exécution.

Le Public, organe officiel de M. Rouher qu’on supposait bien informé, annonçait que le camp de Châlons était levé et que les opérations de Mac Mahon se poursuivaient. Le 23, il avait imprimé : « Mac Mahon a pris la direction de Metz avec une rapidité qui double le mérite du mouvement. » Et le 24 au matin, le Peuple français, organe du ministre Duvernois, avait signalé comme déjà opérée la jonction des deux maréchaux, qui ne devait jamais se faire. Ces informations sensationnelles étaient naturellement répétées par les autres journaux. Et la presse parisienne parlait du mouvement du maréchal Mac Mahon depuis quarante-huit heures lorsque le Temps se décida à en faire mention, à son tour, le 24 au soir[1].

Un journal français déclara en substance qu’un général français ne saurait abandonner ses compagnons d’armes sans

  1. État-major, p. 934. Il n’est pas juste d’attribuer au Temps la révélation aux Allemands de la marche de Mac Mahon vers Bazaine. La presse parisienne et notamment les journaux du gouvernement, le Public et le Peuple français, parlaient du mouvement de Mac Mahon depuis quarante-huit heures quand le Temps s’est décidé à en faire mention le 24 août au soir. L’ouvrage de grand état-major allemand raconte (p. 978 du 7e fasc.), que, dès le 25 août au matin, la cavalerie de l’armée allemande de la Meuse avait reçu l’ordre d’éclairer très loin au Nord-Ouest le flanc droit et d’atteindre particulièrement Vouziers et Buzancy. Ces reconnaissances une fois lancées, la marche de l’armée française sur Metz ne pouvait pas leur échapper.