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pouvant pas déterminer lequel des deux sacrifices serait le moins dommageable à la patrie.

Le 23 août, la première étape de Châlons à Reims s’opéra dans des conditions déplorables ; les corps laissèrent la moitié de leur monde en arrière, et, bien qu’ils eussent des vivres, les soldats se mirent à piller les wagons destinés à l’approvisionnement de l’armée dans la gare de Reims[1].

A son arrivée au quartier général de Bethenyville, Mac Mahon reçut la visite de Lebrun et Failly qui lui annoncèrent que le lendemain les troupes n’auraient plus de vivres. Il fut irrité et surpris : avant de quitter Reims, il avait donné l’ordre de pourvoir l’armée pour quatre jours. Mais les intendans, arrivés au corps la veille, ignoraient les lieux de distribution et ne s’étaient point trouvés là quand les corvées s’étaient présentées. Mac Mahon se vit alors obligé de modifier son itinéraire : il ordonna de marcher vers le Nord et de se rapprocher de Rethel où les troupes trouveraient a vivre.

On s’approvisionne à Rethel ; chaque corps d’armée reçoit deux journées de vivres, pain, sucre et café. Le 26 août, l’armée quitte cette ville et pivote sur sa droite établie à Vouziers. Le maréchal, au lieu d’envoyer la division de cavalerie Marguerite sur le flanc droit vers Grand-Pré et la Groix-au-Bois, la dirige vers le Chêne-Populeux.

« Quelle grossière impéritie ! » disent les critiques de profession. Rien cependant de plus naturel. Si Mac Mahon avait eu pour objectif Metz, il se serait éclairé sur sa droite ; mais ne pensant qu’à Bazaine qui doit venir par Montmédy, c’est du côté de Montmédy qu’il regarde et qu’il envoie sa cavalerie aux nouvelles.

Aucune nouvelle du côté de Montmédy, pas plus que de tout autre, lorsque tout à coup les Allemands opérèrent un changement de front qui révéla à Mac Mahon, avec la clarté de l’éclair dans une nuit noire, l’effroyable position dans laquelle il s’enfonçait et qu’il n’avait que trop bien pressentie.


VII

Au début de leurs nouvelles opérations, les armées allemandes avaient pris la route de Paris, sans hésiter. Supposant

  1. Schmitt.