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V

Le 23 août, au matin, les deux armées du prince royal, du prince de Saxe et celle de Mac Mahon se portent simultanément en avant. L’armée française va de Reims vers la Meuse et Montmédy. Les armées allemandes vont de Metz vers la Meuse et Paris, la IVe (prince royal) formant la gauche. Celle-ci prit une avance d’une marche afin que, si l’armée française résistait, elle pût l’attaquer sur son flanc droit, tandis que la IVe l’assaillirait de front et que toutes deux la couperaient de la capitale et la refouleraient au Nord.

La marche des uns et des autres s’opérant à des hauteurs différentes, les uns vers l’Est, les autres vers l’Ouest, il n’était pas impossible que, dans leur ignorance réciproque de leurs routes, les deux armées vinssent à se dépasser sans se heurter et qu’elles continuassent à marcher sur le prolongement l’une de l’autre, avec les fronts tournés de côtés opposés sans se douter de leur proximité.

Cette marche des deux armées, commencée le même jour, s’opéra dans des conditions bien différentes, grâce au rôle intelligent que l’état-major allemand avait départi à sa cavalerie. Dès le début des opérations, cette cavalerie allemande s’était signalée par quelques pointes hardies, et c’est une de ses reconnaissances qui, en constatant la présence de Mac Mahon derrière la Sauer, avait amené la rencontre de Wœrth. Toutefois, elle n’avait couvert qu’imparfaitement la mobilisation et la concentration de son armée et aussi imparfaitement deviné nos intentions stratégiques. Après Wœrth on la jeta au delà du front de l’armée à plusieurs marches en avant. Elle inondait littéralement la région, la parcourait avec audace dans tous les sens, affolait les populations qui transformaient la moindre escouade en bataillons, recueillait des renseignemens sur nos plans et nous empêchait de pénétrer les leurs. Derrière le rideau mobile et terrifiant qu’elle étendait au-devant de son infanterie, elle lui permettait de s’avancer avec sécurité et sans fatigue, comme si elle marchait à la parade. Sûrs d’avoir à plusieurs journées en avant un œil toujours ouvert, d’être avertis à temps au moins vingt-quatre heures d’avance pour se concentrer et se disposer à l’état de défense, les soldats n’étaient pas astreints, à leur arrivée