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donc pu intercepter une dépêche qui ajoutait une force de plus à l’opinion qu’il soutenait.

L’Impératrice, au contraire, désirait la marche vers Bazaine, mais elle n’avait aucune communication avec Stoffel ; elle ne l’aimait pas et elle était incapable de la basse manœuvre dont on l’a accusée, et à laquelle Stoffel, qui était un honnête homme, ne se serait pas prêté. Une instruction judiciaire a établi que, dès le 22 août, on connaissait à l’état-major particulier de Mac Mahon la dépêche de Bazaine. Dès lors, elle n’avait pas été interceptée. Il reste à expliquer comment Mac Mahon n’en a conservé aucun souvenir.

Ne lui a-t-elle pas été remise par ses officiers ? Ou bien, l’ayant lue, n’y a-t-il pas attaché d’importance ? Elle contenait, il est vrai, cette phrase : « Si toutefois je puis l’entreprendre sans compromettre l’armée. » Mais cette restriction est sous-entendue dans tous les ordres militaires. Tout, à la guerre, est subit, mobile, subordonné à la circonstance imprévue, et un chef ne peut répondre qu’il ne sera pas contraint de renoncer le lendemain au projet arrêté la veille. Elle promettait aussi d’annoncer le mouvement quand il s’exécuterait, ce qui était encore naturel, puisqu’on ne peut pas supposer qu’un subordonné s’ébranle sur l’indication vague d’un projet en formation et n’indiquant pas son choix entre deux routes également possibles. Elle disait formellement ce que les autres impliquaient seulement. L’essentiel est de déterminer l’influence qu’elle aurait eue, si Mac Mahon l’avait connue. Dans l’instruction relative au procès Bazaine, il avait répondu au rapporteur :

« Vous me demandez si, l’ayant reçue, j’aurais continué mon mouvement vers l’Est. Cette question est délicate. Je vous répondrai cependant consciencieusement qu’il est probable que, même après sa réception, j’aurais continué ma marche vers la Meuse, sauf à voir ce qu’il y avait à faire, y étant arrivé. »

Palikao expédia à Mac Mahon une dépêche destinée à tomber aux mains des Prussiens, qui assignait à son armée une direction inverse de celle qu’elle suivait, et qui la faisait croire près de Paris alors qu’elle se rapprochait de Metz. Mais on oublia de veiller sur les télégrammes que les correspondans étrangers mandaient de Paris à leurs journaux, qui les tenaient en quelque sorte, heure par heure, au courant des mouvemens de nos troupes et rendaient l’invention de Palikao un stratagème ridicule.)