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IV

Dans cette journée du 22 août, deux nouvelles dépêches de Bazaine arrivèrent au quartier général. Elles venaient de Longwy. L’une, adressée à l’Empereur, fut aussitôt communiquée au maréchal : elle indiquait que l’investissement se poursuivait avec un redoublement d’activité[1]. L’autre était expédiée à Stoffel pour être remise à Mac Mahon.

Elle arriva à Reims directement sans passer par Paris ; elle était chiffrée. Elle fut portée, non au domicile particulier de Stoffel à qui elle était adressée, mais au château qu’occupaient Mac Mahon et son état-major particulier. Pour ne pas perdre de temps, les officiers présens l’ouvrirent, la déchiffrèrent et la communiquèrent au maréchal ou à son chef d’état-major. Ils en parlèrent à Stoffel, lorsque celui-ci survint dans la demeure du maréchal, et, en effet, Stoffel trouva sur sa table de travail une traduction complète du chiffre. La dépêche disait : « J’ai dû prendre position près de Metz, pour donner du repos aux soldats et les ravitailler en vivres et en munitions. L’ennemi grossit toujours autour de moi et je suivrai très probablement pour vous rejoindre les lignes des places du Nord, et vous préviendrai de ma marche, si je puis toutefois l’entreprendre sans compromettre l’armée. — (20 août, 4 h. soir). »

Cette dépêche a été incontestablement reçue au ministère de la Guerre. Mac Mahon a dit depuis n’en avoir conservé aucun souvenir et les fabricateurs de calomnies se sont mis à l’œuvre et ont accusé, les uns l’Empereur, les autres l’Impératrice d’avoir ordonné, à Stoffel leur créature, de supprimer l’avis dont la connaissance eût arrêté Mac Mahon. Mac Mahon s’est chargé de montrer l’absurdité de l’invention en ce qui concerne l’Empereur : « Ma conviction intime, dit-il, est que l’Empereur n’est pour rien dans cette affaire. : A Reims, comme quelques jours plus tard au Chêne-Populeux, l’Empereur désirait rentrer à Paris avec l’armée de Châlons. : » Napoléon III n’a

  1. Reçue à 2 heures, 12 minutes soir. — Bazaine à l’Empereur, 20 août. — « Mes troupes occupent toujours les mêmes positions. L’ennemi paraît établir des batteries qui doivent lui servir à appuyer son investissement. Il reçoit constamment des renforts. Le général Marguenat a été tué, on le croyait disparu. Nous avons dans la place de Metz au delà de 16 000 blessés. »