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Le 4e et le 6e corps, seulement, ont fait, vers neuf heures du soir, un changement de front, l’aile droite en arrière, pour parer à un mouvement tournant par la droite que des masses ennemies tentaient d’opérer à l’aide de l’obscurité. Ce matin, j’ai fait descendre de leurs positions les 2e et 3e corps, et l’armée est de nouveau groupée sur la rive gauche de la Moselle, de Longeville au Sansonnet, formant une ligne courbe passant par le haut du Ban Saint-Martin derrière les forts de Saint-Quentin et de Plappeville. Les troupes sont fatiguées de ces combats incessans qui ne leur permettent pas les soins matériels, et il est indispensable de les laisser reposer deux ou trois jours. Le roi de Prusse était ce matin avec M. de Moltke à Rezonville, et tout indique que l’armée prussienne va tâter la place de Metz. Je compte toujours prendre la direction au Nord et me rabattre ensuite par Montmèdy sur la route de Sainte-Menehould à Châlons, si elle n’est pas fortement occupée. Dans le cas contraire, je continuerai sur Sedan et même sur Mézières pour gagner Châlons. » L’empereur Napoléon III a écrit : « Cette dépêche fut interprétée par le duc de Magenta dans un sens contraire à ses opinions précédentes. Il crut, dès lors, qu’il était possible d’aller utilement au secours du maréchal Bazaine et, dès que cette conviction nouvelle se fut établie dans son esprit, il n’hésita pas à renoncer à son mouvement vers Paris[1]. »

Cette dépêche cependant, lue de sang-froid, n’était pas de nature à expliquer un tel revirement. Elle n’apportait aucun élément nouveau, dans la délibération anxieuse du maréchal ; elle n’annonçait pas une résolution prise ou en train de s’exécuter, mais un projet qui, quelque arrêté qu’il parût, n’était qu’un projet subordonné aux circonstances : « Je ne disais pas d’une manière absolue que je le pourrais, a dit Bazaine. On savait que l’ennemi était entre moi et la Meuse. On avait derrière plus de nouvelles certaines que moi qui étais devant. » Enfin, cette dépêche ne résolvait pas le doute sur la direction que prendrait l’armée de Metz : elle dit : « ou par Montmèdy ou par Sedan. » Enfin, elle n’écartait pas l’objection principale de Mac Mahon : « Je ne crois pas, avait-il dit le 21 août, l’armée en état de se compromettre au milieu de plusieurs armées ennemies. » Cette raison si juste et si grave, qui aurait dû suffire à écarter dès

  1. Cassagnac, Souvenirs du Second Empire, t. III, p. 207.