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se réuniront autour de Paris et dans la capitale. Mon désir le plus ardent était de me porter au secours du maréchal Bazaine, mais cette entreprise était impossible. Nous ne pouvions nous rapprocher de Metz avant plusieurs jours ; d’ici à cette époque, le maréchal Bazaine aura sans doute brisé les obstacles qui l’arrêtent ; d’ailleurs, pendant notre marche directe sur Metz, Paris restait découvert et une armée prussienne nombreuse pouvait arriver sous ses murs.

« Le système des Prussiens consiste à concentrer leurs forces et à agir par grandes masses.

« Nous devons imiter leur tactique, je vais vous conduire sous les murs de Paris, qui forment le boulevard de la France contre l’ennemi.

« Sous peu de jours l’armée de Châlons sera doublée. Les anciens soldats de vingt-cinq à trente-cinq ans rejoignent de toutes parts. L’ardeur nationale est immense ; toutes les forces de la Patrie sont debout.

« J’accepte avec confiance le commandement que l’Empereur me confère.

« Soldats, je compte sur votre patriotisme, sur votre valeur ; et j’ai la conviction qu’avec de la persévérance et du temps nous vaincrons l’ennemi et le chasserons de notre territoire. »

Rouher emporta ces documens, afin de les insérer au Journal Officiel. Il emportait aussi la certitude, non seulement que l’Empereur n’adoptait pas les conceptions stratégiques de Pâlikao, mais que dans son esprit existait d’une manière générale une certaine méfiance et plutôt une certaine mésintelligence avec le gouvernement de l’Impératrice : Napoléon III ne dissimulait guère qu’il avait désapprouvé le renvoi du ministère du 2 janvier et que sa confiance était restée aux ministres congédiés.

Aussitôt à Paris, Rouher se rendit au Conseil des ministres avec ses proclamations. Il y fut fort mal reçu. Palikao ne déguisa pas son mécontentement et recommença ses calculs fantastiques ; Brame et d’autres revinrent sur leur argument : « Si nous donnons un ordre de retraite, que diront les hommes décidés à tout pour renverser l’Empire ? Ils déclareront que nous sacrifions la France à la dynastie et que nous commettons une lâcheté envers l’armée et une félonie envers Bazaine. » Il fut donc décidé qu’on ne tiendrait pas plus de compte de ce qui