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plusieurs heures et l’attendait impatiemment. Il se rendit aussitôt au quartier général. Il y rencontra Rouher. Rouher n’avait pas revu l’Empereur depuis le 27 mai, jour où il lui avait été interdit de prononcer un discours pour la réception du plébiscite. A l’explosion des catastrophes, il est saisi du désir de se réconcilier avec son maître. Il va chercher son ami Saint-Paul et, « sans prévenir personne, pas même l’Impératrice, » dit-il, il arrive à Reims. Le voyage sentimental ne tarde pas à tourner à la consultation politique. Il célèbre l’excellence du plan de Palikao et engage l’Empereur à ne pas en différer l’exécution et à faire sortir Mac Mahon de ses hésitations. ; Mais l’Empereur ne veut rien résoudre sans Mac Mahon à qui il a remis tous ses pouvoirs.

« Voici, dit-il au maréchal, M. Rouher qui arrive de Paris et qui, interprète des sentimens de la Régente et de ses Conseils, demande, avec la plus vive instance, que nous renoncions absolument à notre projet de retour sur Paris et que l’armée se porte au secours de Bazaine. Je vous ai remis le commandement ; je vous laisse libre de prendre la résolution que vous jugerez la plus sage, sans prétendre exercer la moindre influence sur votre décision. »

Rouher exposa alors les idées qui avaient déterminé les conseils de la Régence : le prince royal était en marche vers Paris, il ne pouvait arriver que dans huit jours, Mac Mahon avait le temps de le prévenir, d’opérer sa jonction avec Bazaine, de revenir ensuite avec les deux armées, de protéger victorieusement Paris. Si l’armée revenait tout de suite sous la capitale, tout le monde dirait que c’est pour empêcher une révolution et pour conserver le pouvoir., On répéterait : « On a abandonné Bazaine dans un intérêt dynastique. » Mac Mahon contredit résolument ces idées : il ne se croyait pas en état de se risquer au milieu des armées prussiennes ; d’après les renseignemens de l’armée allemande, il devait supposer que Bazaine était entouré à Metz par une armée de 200 000 hommes ; qu’en avant de Metz, dans la direction de Verdun, se trouvait l’armée du prince de Saxe estimée à 80 000 hommes ; qu’enfin le prince royal de Prusse arrivait près de Vitry-le-Français à la tête de 150 000 hommes. En se portant vers l’Est, il exposait son armée à être enveloppée et détruite par des forces hors de proportion avec les siennes. L’armée de Bazaine pouvant être battue, il était de la