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se lancer, de connaître la direction prise par Bazaine. Il télégraphie : « 8 heures 45 matin. Les renseignemens parvenus semblent indiquer que les trois armées ennemies sont placées de manière à intercepter à Bazaine les routes de Briez, de Verdun, et de Saint-Mihiel. Ne sachant la direction de la retraite de Bazaine, bien que je sois aujourd’hui prêt à marcher, je pense que je dois rester au camp jusqu’à ce que je connaisse la direction prise par Bazaine, soit par le Nord, soit par le Sud. »

Mais vers midi une communication de Stoffel le tire de sa quiétude. Mac Mahon l’avait trouvé à Châlons sans emploi et l’avait attaché à son état-major particulier, avec la mission de le renseigner sur les forces et les mouvemens des armées ennemies. Stoffel lui fît remarquer que les Allemands n’étaient pas à plus de quarante-quatre kilomètres, sans obstacle naturel interposé. Si quelques régimens de cavalerie venaient à faire irruption dans le camp, ils y produiraient infailliblement une panique générale. Le maréchal s’écria avec vivacité : « Vous m’avez déjà dit que ces bougres-là sont audacieux ; un parti de cavalerie pourrait, après une marche de nuit, être ici après-demain : il faut que nous partions demain pour Reims. »

Quoique, de Reims, on pût encore se diriger sur Verdun ou Montmédy, il était manifeste qu’aller vers Reims, c’était en réalité commencer la retraite sur Paris, car on s’y rapprochait Des forteresses du Nord et de la vallée de l’Oise, dans laquelle on rencontrerait des positions défensives plus sûres que dans la vallée de la Meuse. De là Mac Mahon ne pourrait plus rejoindre Bazaine si celui-ci essayait de percer vers le Sud ; mais il serait plus en situation de lui venir en aide s’il choisissait la direction du Nord, et il serait en outre libre de se replier sur Paris, ce qui est toujours l’objectif de son instinct militaire. Il télégraphie à Palikao : « 20 août, 4 h. 40 soir. — Je partirai demain pour Reims. Si Bazaine perce par le Nord, je serai plus à même de lui venir en aide. S’il perce par le Sud, ce sera à une telle distance, que je ne pourrai, dans aucun cas, lui être utile. »

Palikao répond : « 20 août, 5 heures. — Je considère comme indispensable que votre armée aille dégager Bazaine. Songez à l’effet moral que produirait toute apparence d’abandon de cette armée qui a héroïquement combattu et qui est formée d’excellentes troupes. » Pour le décider, le ministre lui annonçait que des convois de munitions et de vivres étaient échelonnés