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de Briey à Mars-la-Tour est fermée ; Bazaine ne peut plus sortir par le Nord ou par le Sud ; si Mac Mahon veut aller au secours de l’armée de Metz, il faut qu’il s’élève vers le Nord ou qu’il descende vers le Sud ; comment adopter une de ces directions sans être assuré que l’armée de Metz ne prendra pas l’autre ?

Ce même jour (18 août) il reçoit des nouvelles. Bazaine annonce d’abord qu’il prévoit une attaque, puis qu’elle a eu lieu : « 4 h. 15 du soir. En ce moment, une attaque conduite par le roi de Prusse en personne avec des forces considérables est dirigée sur le front des diverses lignes ; les troupes tiennent bon jusqu’à présent, mais des batteries ont été obligées de cesser leur feu. » Après quoi silence. La nuit s’écoule dans une incertitude cruelle. Le lendemain 19 août à midi et demi, on reçoit une dépêche de la veille au soir : « 8 h. 20. — J’arrive du plateau, l’attaque a été très vive. En ce moment sept heures, le feu cesse. Nos troupes sont restées constamment sur leurs positions. »

Mac Mahon, avec son habitude des choses militaires, comprend qu’être resté sur ses positions signifie : nous ne pouvons avancer. Et il envoie à Bazaine la dépêche suivante : « 19 août 1870. Si, comme je le crois, vous êtes forcé de battre en retraite très prochainement, je ne sais, à la distance où je suis de vous, comment vous venir en aide sans découvrir Paris. Si vous en jugez autrement, faites-le-moi savoir. » Le lendemain 20, aucun détail ne parvient sur la bataille ; on en reste aux deux dépêches laconiques envoyées de Metz le 18 au soir ; on se perd en conjectures ; on ne sait ce qu’il faut craindre, ce qu’il faut espérer.

Penché sur ses cartes, essayant de leur arracher le secret des mouvemens lointains, le brave maréchal se débat dans les plus cruelles perplexités. Il n’hésiterait pas, s’il voyait devant lui un devoir militaire nettement indiqué, et, à tout risque, il le remplirait. Mais son regard troublé n’aperçoit pas où est le devoir. Ne pas secourir un compagnon d’armes en péril le désespère, mais éloigner de Paris la seule armée qui puisse encore le sauver l’épouvante : « J’étais, je l’avoue, assez indécis. Abandonner le maréchal Bazaine que je croyais pouvoir arriver d’un moment à l’autre sur la Meuse, me causait un véritable déchirement. Mais, d’un autre côté, il me semblait urgent de couvrir Paris et de conserver à la France la seule armée qu’elle eût encore de disponible.. » Il décide donc qu’il attendra, avant de