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exprimé l’espérance que les questions balkaniques entraient en voie de règlement ; après avoir parlé de l’accord des Puissances et déclaré « sincèrement » que cet accord ne lui avait jamais paru moins en danger qu’aujourd’hui ; après avoir exprimé ces pensées optimistes, il s’est tourné d’un air menaçant du côté de Constantinople. « En ce qui concerne la Turquie, a-t-il dit, nous-même, la Grande-Bretagne et, je crois, toutes les Puissances, étions disposées, sur la base du traité récemment conclu, à considérer comme un fait accepté qu’elle conserverait ses frontières d’Europe en deçà des frontières indiquées et que, sous la réserve de garanties raisonnables d’une bonne administration, l’intégrité de son empire d’Asie demeurerait assurée... Mais si la Turquie, — et je désire être tout à fait explicite sur ce point, — était assez malavisée pour déchirer ce traité, elle doit être préparée, — je désire ne pas en dire plus pour le moment, — à voir s’ouvrir des questions qu’il n’est pas de son intérêt d’introduire dans le débat. » Nous regrettons qu’après avoir laissé supposer tant de choses, M. Asquith n’ait pas voulu en dire plus pour le moment. Quelques jours auparavant, à la Chambre des Communes, sir Edward Grey avait parlé du concert des Puissances dans des termes qui permettaient de craindre qu’il ne présentât pas, sur tous les points, cette solidité que M. Asquith devait lui reconnaître un peu plus tard, et sir Edward avait ajouté que, si le concert des Puissances ne continuait pas de présenter une harmonie parfaite, « les conséquences pour l’Europe seraient beaucoup plus désastreuses que tout ce qui a pu se passer jusqu’à présent. » Les ministres anglais ne parlent pas à la légère. Il faut donc voir un avertissement sérieux dans leurs paroles, et l’avertissement ne s’adresse pas seulement à la Turquie.

Nous en sommes là. Tous les regards se tournent du côté de Bucarest, non sans quelque inquiétude. Qui oserait émettre un pronostic ? Notre meilleur motif de confiance est que la Serbie et la Grèce se sont fait représenter par leurs deux hommes d’État les plus sages, M. Pachitch et M. Vénizélos, et que les négociations auront lieu sous les auspices du gouvernement roumain dont l’attitude, dans ces dernières circonstances, a si heureusement accru l’autorité.


FRANCIS CHARMES.


Le Directeur-Gérant,

FRANCIS CHARMES.