Page:Revue des Deux Mondes - 1913 - tome 16.djvu/723

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

semble indispensable. Les Turcs sont à Andrinople : y resteront-ils ? Toutes les Puissances se sont prononcées contre, mais elles l’ont fait dans des conditions différentes, et n’y ont pas toutes mis la même énergie. La Roumanie demande formellement que les Puissances fassent « le nécessaire à Constantinople, pour que les négociateurs de Bucarest puissent tabler sur le maintien du traité de Londres. »

Avons-nous besoin de raconter la folle entreprise où s’est jetée la Turquie ? La Turquie, voyant que la guerre recommençait, n’a pas pu résister à la contagion de l’exemple ; mais nous doutons qu’elle ait montré en cela un sens bien éveillé de l’opportunité. Tout le monde tombait sur la Bulgarie, qui n’en pouvait plus, et avait pris le parti de ne pas se défendre : les Turcs, qui ont montré souvent plus de véritable bravoure, ont jugé l’occasion bonne pour se joindre aux ennemis de la Bulgarie, et ils ont repris, sans coup férir, Lulé-Burgas, Kirk-Kilissé, enfin Andrinople, où a reparu Enver bey dont on n’avait plus entendu parler depuis l’assassinat de Nazim. Le ministre des Affaires étrangères, le grand vizir, le Sultan lui-même ont protesté d’abord que leur seule intention était d’occuper la ligne d’Enos-Midia, que le traité de Londres leur avait assignée ; ils ont dit, depuis, que l’armée leur avait échappé ; ils ont déclaré enfin qu’ils ne reconnaissaient plus le traité de Londres, qui, d’ailleurs, n’avait pas encore été définitivement ratifié, et que les Bulgares avaient violé, les premiers, en dépassant la ligne d’Enos-Midia. Il n’est que trop vrai que les Bulgares, dans leur période triomphante, ont donné à tous leurs ennemis des prétextes dont ceux-ci devaient se servir plus tard. Mais la question des frontières turques n’intéresse pas seulement les Turcs et les Bulgares. Elle intéresse l’Europe, et c’est à l’Europe, comme on vient de le voir, que la Roumanie a fait appel pour obtenir d’elle l’assurance que les Turcs ne resteraient pas à Andrinople. Mais comment les en déloger s’ils refusent de vider la place ? Alors nous entrerons une fois de plus dans l’imprévu, et nous pourrions y faire des rencontres graves. On a parlé, — ce ne sont que les journaux qui l’ont fait, — de la possibilité pour la Russie de faire une démonstration en Arménie et d’y occuper des territoires, à titre provisoire bien entendu. On sait ce que valent ces provisoires. Espérons qu’il n’y a rien de vrai dans ces annonces sensationnelles, car, à voir les difficultés déjà si grandes que présente la liquidation de la Turquie d’Europe, nous nous demandons ce qui arriverait si on commençait celle de la Turquie d’Asie.

Mais que signifient les phrases sibyllines que M. Asquith a prononcées, l’autre jour, dans un banquet, à Birmingham ? Après avoir