Page:Revue des Deux Mondes - 1913 - tome 16.djvu/720

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

La Bulgarie a dû alors changer de ton, mais elle n’a pas tout d’abord changé ses prétentions et elle s’est adressée un peu à tout le monde pour chercher aide et appui. Elle s’est adressée particulièrement à la Russie : le roi Ferdinand a demandé à l’empereur Nicolas d’intervenir comme médiateur pour ramener la paix. En même temps, M. Daneff étant devenu impossible au ministère, le Roi y a appelé M. Radoslavoff et M. Ghenadieff, stamboulovistes notoires, dont toutes les tendances politiques sont hostiles à la Russie et favorables à l’Autriche. On l’a accusé en cela de contradictions, il est plus probable que l’habile homme a voulu tout ménager en prenant une assurance d’un côté et une contre-assurance de l’autre : situation excellente pour voir venir les choses, à la condition qu’elles ne viennent pas trop brusquement et par un point qui n’a pas été prévu. Nous verrons dans un moment que le roi Ferdinand n’a d’ailleurs pas mal pris ses dispositions. Quant à la Serbie et à la Grèce, tout entières à la joie de leur victoire et pleines de confiance dans leur force, elles ont déclaré tout de suite qu’elles n’avaient pas besoin d’intermédiaire entre la Bulgarie et elles, qu’elles n’en voulaient pas, qu’elles entendaient régler leurs affaires elles-mêmes et que c’est sur le champ de bataille que la paix serait signée. Elles ne consentiraient à un armistice que s’il contenait tous les élémens du traité de paix définitif. Les États balkaniques ont aujourd’hui le sentiment jaloux de leur indépendance, ils s’y complaisent, ils repoussent tout ce qui, même de loin, paraîtrait y porter atteinte. Aussi la bonne volonté de la Russie n’a-t-elle pas trouvé son emploi.

Mais quelle a été, en tout cela, l’altitude de la Roumanie ? Ici, il faut distinguer. L’attitude de la Roumanie, bien qu’elle se soit certainement toujours inspirée des mêmes principes, s’est un peu modifiée dans la forme. Nous verrons bientôt ce qu’elle est devenue plus tard ; mais, au moment où nous sommes, la Roumanie a fait absolument cause commune avec la Serbie et la Grèce ; elle a déclaré, elle aussi, que l’armistice devait contenir les conditions de la paix ; elle a causé enfin une déception de plus au roi Ferdinand et à son gouvernement en se refusant à faire une paix séparée. Effectivement, un grand effort a été tenté à Sofia pour donner satisfaction à la Roumanie et pour la détacher des États balkaniques. — Que voulez-vous ? lui a-t-on dit ; nous vous le donnons d’avance ; mais arrêtez vos opérations militaires et reprenez avec nous les rapports amicaux d’autrefois. — Quelque séduisant que fût ce langage, la Roumanie y a résisté. Elle avait d’ailleurs la partie belle, puisque, ce qu’elle veut, elle le