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voie qu’elle vient de parcourir jusqu’au bout, et le gouvernement a été presque exclusivement M. Barthou. La Chambre a ordonné l’affichage d’un de ses discours : presque tous auraient mérité cet honneur, le dernier surtout qu’il a prononcé, en réponse à M. Caillaux, qui, parlant au nom de 140 radicaux-socialistes, a expliqué pourquoi ses amis et lui ne votaient pas la loi.

Malheureusement il y a des partis qui, à l’intérieur, ne désarment pas. Mais lorsqu’il s’agit de la grandeur de la France et de sa défense, l’intérêt est si grand et si haut qu’un gouvernement serait indigne de sa mission s’il ne faisait pas appel à tous les Français sans distinction. Tant pis pour ceux qui ne répondent pas !


Les événemens des Balkans continuent de déconcerter toutes les prévisions. Ils ont marché, depuis quelques jours, d’abord avec une rapidité foudroyante, puis avec une lenteur où l’on sent des calculs dont il est encore assez difficile de découvrir le sens. Aussi ne pouvons-nous en parler que sous bénéfice d’inventaire, c’est-à-dire en attendant la suite.

Pour le moment, voici où en sont les choses : nous ne pouvons en indiquer que les grandes lignes. La Bulgarie, par son agression sans excuses contre ses alliés de la veille, a déchaîné contre elle, avec une rapidité inusitée, cette justice immanente des choses, qui ne marche pas généralement aussi vite. Certes, la Bulgarie a été bien coupable, mais le châtiment a été si rigoureux et si brutal, qu’on peut le considérer comme suffisant et ouvrir son esprit, en présence d’une situation nouvelle, aux considérations purement politiques qu’elle doit déterminer. Dans l’espace de quelques jours, presque de quelques heures, la Bulgarie est passée sans transition du Capitole à la Roche Tarpéienne. De tous les pays balkaniques, c’est celui qui pourtant a joué le plus grand rôle pendant la guerre contre la Turquie, fourni le plus puissant effort, acquis le plus de droits, obtenu le plus de gloire. Elle pouvait tirer le plus profitable parti de ces avantages, à la condition de ne pas en abuser. Elle l’a fait malheureusement, de toutes les manières. Non contente d’aspirer ouvertement à l’hégémonie des Balkans, elle a montré à l’égard de ses alliés une arrogance et une mauvaise foi qui les ont révoltés ; à l’égard de la Roumanie, dont l’abstention lui avait été si utile, une désinvolture où perçait le sentiment de sa propre supériorité ; à l’égard de l’Europe enfin, à travers une déférence apparente, le parti pris réel de ne suivre aucun conseil et de pousser sa chance jusqu’à ce qu’elle eût produit ses derniers effets. On sait ce qu’ils ont été.