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acquiert une sorte d’émission sélective, et il rayonne, comme l’expérience le démontre, beaucoup plus de lumière et moins de chaleur que ne le supposerait sa température.

Si l’on exprime en watts la puissance calorifique consommée par le bec Auer, on trouve qu’il émet environ un huitième de bougie par watt, c’est-à-dire beaucoup moins que les diverses lampes électriques. Mais en réalité cette comparaison ne signifie pas grand’chose au point de vue pratique, parce que le prix de revient d’une même quantité d’énergie est très différent, suivant qu’il s’agit du gaz ou de l’électricité, et selon les circonstances locales.

L’emploi des manchons à incandescence a plus que quintuplé le rendement lumineux du gaz d’éclairage. Aussi se sont-ils à peu près partout substitués aux anciens becs papillons.

Un perfectionnement récent devait encore amplifier ces résultats : l’incandescence par le gaz sous pression dont les magnifiques candélabres du boulevard Raspail, à Paris, nous fournissent un exemple éclatant. Chacun de ces candélabres fournit une intensité lumineuse de 2 000 à 4 000 bougies, c’est-à-dire équivalente à celle des lampes à charbons minéralisés de l’avenue de l’Opéra.

Dans les réverbères à manchons Auer ordinaires de la Ville de Paris, le gaz arrive sous une faible pression d’environ 50 millimètres d’eau et chaque manchon consomme environ 100 litres à l’heure. Dans les appareils à gaz comprimé, celui-ci arrive dans le manchon sous une pression d’environ 1 600 millimètres d’eau et le brûleur consomme naturellement beaucoup plus. La surpression est produite par une petite pompe actionnée par l’électricité ou mieux par un moteur à gaz et qui commande tout le quartier intéressé. Boulevard Raspail, cette pompe est placée sous la chaussée[1].

Les avantages de la surpression sont nombreux : d’abord elle multiplie (environ trois fois) la puissance lumineuse des manchons ; ensuite elle supprime l’allumage qui se fait automatiquement, grâce à la pression elle-même, qui, au moment où on l’établit, ouvre les robinets agencés à cet effet, et grâce à une veilleuse qui ne s’éteint jamais. L’extinction se fait de même automatiquement en supprimant la pression. Cependant, lorsque, comme cela a lieu à Paris, on ne veut éteindre à une certaine heure qu’une partie des manchons de chaque candélabre, on doit opérer à la main. Il faut espérer que bientôt, même à ce point de vue, la main-d’œuvre pourra être supprimée, grâce à des

  1. On trouvera des détails sur les autres voies éclairées par ce système dans un intéressant rapport de M. Tur, récemment présenté au Congrès de la Route.