L’éclairage au gaz paraissait voué à une disparition prochaine lorsque la découverte de M. Auer von Welsbach est venue lui donner un regain de vigueur qui permit au malade, naguère condamné, des années d’autant plus prospères que presque chaque jour de nouveaux progrès surgissent dans cette voie.
On sait que le manchon Auer est recouvert d’un mélange de deux oxydes de métaux rares, l’oxyde de thorium et l’oxyde de cérium. Le second n’existe qu’à raison de 1 pour 100 environ du premier dans le mélange. Celui-ci est porté à une haute température au moyen de la flamme d’un brûleur à gaz Bunsen, qui est réglée de sorte à avoir la plus haute température possible, c’est-à-dire de façon que sa combustion soit complète, ce qui la rend bleue et très peu lumineuse. La température à laquelle est porté le manchon est d’environ 1 590°. Or il se produit ce fait très remarquable que, si l’on portait à cette température un objet solide quelconque, un morceau de platine par exemple, il rayonnerait à surface égale beaucoup moins de lumière que le mélange Auer. Mais il y a mieux : tandis qu’un manchon Auer alimenté par un bec brûlant 100 litres à l’heure fournit environ 80 bougies, un manchon identique, mais recouvert seulement d’oxyde de thorium, ne fournit que 2 bougies dans les mêmes conditions, tandis qu’un manchon à l’oxyde de cérium n’en fournit que 7 ou 8.
Comment se fait-il que le mélange des deux oxydes multiplie dans de telles proportions leur puissance lumineuse ? Cette question a beaucoup préoccupé et même déconcerté les physiciens, car, comme il arrive souvent, les faits ont été ici plus vite et plus loin que les théories ! Celles-ci d’ailleurs, à l’ordinaire, se sont vite remises de l’alerte qui les avait ébranlées, et elles n’ont pas tardé, — comme on le pouvait prévoir, — à tirer argument, en faveur de leur validité, des faits étranges apportés par Auer et qui les avait d’abord laissées fort déconfites. Il n’entre pas dans les limites de cette chronique d’expliquer d’après les systèmes les plus récens les curieuses particularités du manchon à incandescence. Il nous suffira d’indiquer d’un mot que, d’après ce qu’on admet généralement, la petite quantité de cérium ajouté au thorium change complètement sa coloration aux températures élevées, comme il arrive que de petites additions de nickel, de manganèse ou de chrome modifient du tout au tout la couleur des verres auxquels on les incorpore. Ainsi modifié, l’oxyde de thorium