Page:Revue des Deux Mondes - 1913 - tome 16.djvu/707

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

En revanche, un progrès tout à fait remarquable se trouve réalisé par les lampes à arc en vase clos et à charbons minéralisés qui, depuis quelques mois, éclairent l’avenue de l’Opéra et dont tous les Parisiens admirent la splendide lumière rose et la forme si particulière. L’idée d’incorporer aux charbons des lampes à arc divers sels minéraux est due à un éminent ingénieur français, M. Blondel, professeur à l’École des Ponts et Chaussées, à qui, bien qu’une cruelle maladie l’immobilise depuis de nombreuses années au lit, la France est redevable de quelques-unes des découvertes industrielles les plus marquantes de ce temps. Mise au point par un ingénieur italien, M. Carbonne et par d’autres techniciens dont notre compatriote, M. Bardon, l’idée des charbons minéralisés a permis de réaliser des lampes d’une puissance et d’un rendement étonnant. On incorpore aux charbons par un traitement spécial divers sols minéraux et notamment du fluorure de calcium. De plus, comme son nom l’indique, la lampe est incluse tout entière dans un globe hermétiquement clos, et dont la forme, que l’on peut remarquer avenue de l’Opéra, est un peu celle d’une fleur évasée vers le haut. La partie inférieure du globe est maintenue grâce à divers artifices à une température relativement basse, de sorte que les produits de la sublimation des charbons vont s’y condenser sans se déposer sur les parois voisines de l’arc et altérer leur translucidité.

Dans ces conditions et à puissance dépensée égale, les lampes à électrodes minéralisées donnent environ trois fois plus de lumière que les anciennes lampes à arc au charbon pur. De fait, celles-ci, qui éclairent encore les grands boulevards, font bien piètre figure à côté des splendides luminaires de l’avenue de l’Opéra. Ces nouvelles lampes ne consomment qu’environ 1/3 de watt par bougie. En outre, et grâce à l’artifice du vase clos, les charbons peuvent durer environ une centaine d’heures sans avoir besoin d’être remplacés. Les beaux résultats fournis par ce nouveau mode d’éclairage sont tels que la Ville de Paris a décidé, d’après nos renseignemens, de le substituer à toutes les lampes à arc qu’elle emploie pour son éclairage[1].

Resterait à expliquer comment l’artifice de la minéralisation a suffi à tripler le rendement de l’arc électrique. Mais les physiciens ne sont pas encore d’accord là-dessus, et nous attendrons qu’ils aient mis sur ce point quelque cohérence dans leurs théories avant de les exposer ici.

  1. Dès maintenant, on a installé, place de la République, des lampes à arc minéralisé dont l’éclat surpasse même de moitié celles de l’avenue de l’Opéra.