Page:Revue des Deux Mondes - 1913 - tome 16.djvu/703

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


LE NOUVEL ÉCLAIRAGE ÉLECTRIQUE λ INCANDESCENCE

Dans l’éclairage par le gaz, par le pétrole, ou par les huiles minérales et végétales, la lumière est produite par une réaction chimique : la combustion, c’est-à-dire l’oxydation par l’oxygène aérien de ces corps éclairans, qui tous contiennent des carbures d’hydrogène[1] ou des substances analogues. C’est la chaleur dégagée par cette combinaison chimique qui entretient la flamme. Celle-ci d’ailleurs ne serait pas éclairante si la combinaison était complète, c’est-à-dire si toutes les parties combustibles du corps éclairant étaient combinées à l’oxygène de l’air. Ainsi dans le bec Bunsen, lorsqu’on admet une quantité d’air suffisante pour que la combustion du gaz soit totale, la flamme est bleue et non éclairante. Elle ne le devient que lorsque la combustion est incomplète et que les gaz enflammés contiennent en suspension des particules de carbone non comburé portées à l’incandescence par la haute température de la flamme et qui donnent à celle-ci son éclat visuel. La présence de ces particules de charbon dans toutes les flammes de combustion éclairante est d’ailleurs facile à mettre en évidence en y plongeant une soucoupe de porcelaine : on voit bientôt celle-ci se recouvrir de noir de fumée.

Tandis que la lumière dans ces anciens types d’éclairage était produite chimiquement, c’est au contraire un phénomène purement physique (réchauffement du filament par le courant électrique) qui lui donne naissance dans les lampes électriques à incandescence.

On ignore généralement que ces lampes dont on attribue l’invention à Edison (1878) furent avant lui découvertes deux fois et indépendamment, d’abord, en 1845, par l’Américain Starr, puis, en 1858, par le Français Changy dont les découvertes, suivant une tradition un peu trop répandue, ne rencontrèrent qu’ostracisme et mépris, et tombèrent dans l’oubli. Dans la lampe Edison, le filament de carbone, traversé par le courant électrique, ne résiste pas à une température très élevée. Or l’expérience et la théorie du rayonnement montrent que l’éclat d’un corps incandescent augmente rapidement avec sa température. Par exemple un morceau de métal porté à 2 000° émet plus de cent fois plus de lumière qu’à 1 450°, et à 2 800° il en émet plus de 20 fois plus qu’à 2 500°. Il y avait donc intérêt, si l’on voulait avoir des lampes très lumineuses, à substituer au filament de carbone des filamens pouvant

  1. A propos des carbures d’hydrogène, voyez ma chronique du 1er mars 1913 sur les Tendances el les progrès récens de la chimie.