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Une alouette alors, au lieu de l’impossible prière qui n’est pas allée jusqu’au firmament, monte au ciel.

Après avoir fait, pour éviter la vue odieuse de la mort, ces tentatives inutiles, nous n’avons plus aucune erreur à essayer : nous voici devant les tombeaux. D’ailleurs, il est possible que je prête à ce recueil de poèmes plus de rigueur dialectique que l’auteur ne lui en a voulu donner ; je crois pourtant que telle est, dans son livre, l’économie des sentimens. La signification de l’ouvrage ne serait pas la même s’il se terminait par les Élévations. Il se termine par les Tombeaux : c’est là que butte finalement la pensée du poète, là, aux tombeaux de pierre qui enferment les corps défunts. La méditation de la mort n’a point converti à l’immortalité spirituelle le paganisme de la nymphe. Sa croyance, confuse, est analogue à celle de l’antiquité : elle attribue aux morts inanimés une espèce de vie étrange.

La poétesse de la vie a su, par un exemple, « que vraiment l’on mourait. » Il faut, pour qu’on le sache, un exemple ; et « c’est toi le premier front que j’ai vu sombre et pâle. » Certitude, et non vague science qu’on tient du bavardage de l’humanité. Que viennent, à présent, d’autres deuils :


Les fantômes nouveaux n’enfonceront leurs pas
Que dans tes pas légers imprimés sur le sable.


Autour de la mort, les vivans épiloguent. Et bourdonne leur philosophie, pour la commodité de leur oubli. La douleur obstinée refuse la philosophie et toutes les consolations idéologiques. Elle est toute livrée au fait : la mort.

La douleur chante. Elle a vu, premièrement, le contraste de la tombe où est enclos le mort et de la route où les vivans courent :


Je vais partir, mon cœur se brise, puisque toi
Tu ne peux plus choisir l’arrêt ou le voyage,
Et que la sombre mort me cache ton visage
Sous le bois et le plomb de ton infime toit.


Que les mots sont ici parfaitement choisis et combinés ! Que s’opposent bien l’entrain du deuxième vers «... l’arrêt ou le voyage » et l’accablement du quatrième «... de ton infime toit ! >> Tel sera le thème, de strophe en strophe revenant et, pour ainsi dire, hantant, âme en peine, la tombe. La rêverie s’achève en invectives contre la nature qui fait et la vie et la mort, le mouvement et l’immobilité. Puis un autre poème reprend le thème ; il le modifie ; il le rend plus