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REVUE LITTÉRAIRE

UN LYRISME NOUVEAU[1]

En 1901, quand Mme de Noailles publia Le Cœur innombrable, premier recueil de ses poèmes, il sembla que, dans la poésie française, éclatait un nouveau printemps. Il y avait des poètes ; il y avait plusieurs grands poètes, et d’autres. Mais enfin les uns continuaient, avec leur talent personnel, la manière des Parnassiens ; et les autres étaient fidèles, pour un peu de temps, à l’esthétique du symbole. Ne méprisons pas les Parnassiens, héritiers des romantiques et qui, avec ce que le romantisme laissait, firent encore de belles glanes. Ne méprisons pas les symbolistes, à qui la littérature contemporaine doit l’invention peut-être la plus intelligente et précieuse. Néanmoins, cette poésie, parnassienne ou symboliste, n’était pas du tout printanière. Parnassienne, elle avait subi l’influence du positivisme ; elle analysait l’âme et la nature, méthodiquement. Symboliste, elle voyait dans la nature la figure des idées ; elle peuplait l’univers d’emblèmes et d’allégories : elle l’en a même un peu encombré. Ainsi, la nature était comme voilée de science et d’idéologie. Bref, la poésie française eut l’air de se confiner dans les méditations d’une automne aux splendeurs mélancoliques et tardives. L’on vit, prompts à réagir, quelques jeunes gens ; sous le nom de Naturistes ou d’Humanistes, ils promulguaient assidûment les manifestes de la Vie et prodiguaient les mots à majuscules : or, ils étaient plus vieux que personne, et dépourvus de génie.

D’un geste à la fois joli et brusque, la jeune poétesse écarta les

  1. Les Vivans et les Morts, par la comtesse de Noailles (1 vol. in-8 ; Fayard). De la même poétesse, Le Cœur innombrable, L’Ombre des jours, Les Eblouissemens (Calmann-Lévy, éditeur).