Page:Revue des Deux Mondes - 1913 - tome 16.djvu/687

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Sans ajouter à ces inévitables négations la valeur de discussions, propres à retarder des gens résolus à l’action, il importe, dès à présent, de préluder aux pourparlers diplomatiques indispensables avec la Belgique et l’Angleterre, puis de grouper les concours financiers pour l’exécution du transafricain. Un géographe belge qui connaît fort bien le Congo, M. A.-J. Wauters, écrivait dernièrement dans le Mouvement Géographique qu’il juge les projets français trop vastes et que mieux vaut, au Congo, se borner à des tronçons ferrés reliant les biefs, améliorés, des fleuves navigables. Cette opinion sera, sans doute, celle de nombreux Belges, surtout de ceux qui sont intéressés à drainer le commerce vers le bas pays atlantique et le chemin de fer de Léopoldville à Matadi ; mais, même parmi ceux-là, nous connaissons des hommes d’esprit libre et de vues larges qui se rallieront, toutes réflexions faites, au programme du transafricain ; dans les Sociétés du haut Congo, des concours tout amicaux ont été déjà concertés entre des Français et des Belges, collègues en divers Conseils d’administration : la colonie est assez riche et assez grande pour donner du fret à plusieurs chemins de fer. Et peut-être le Congo de nos voisins serait-il efficacement garanti contre certaines ambitions territoriales par une convention de collaboration économique qui contribuerait à resserrer l’amitié naturelle de la Belgique et de la France.

Notre solidarité avec l’Angleterre s’affirmera de même en Afrique, très utilement pour la santé de l’entente cordiale, autant dire de l’équilibre européen. L’Angleterre, dans le monde contemporain, n’est plus maîtresse de poursuivre une politique étroitement insulaire ; il n’est pas indifférent à nos voisins qu’une voie ferrée africaine relie la Méditerranée occidentale à la mer des Indes, pendant symétrique à ce chemin de fer transpersan, qui doit, un jour ou l’autre, doubler au Nord les routes maritimes de la Mer-Rouge et du golfe Persique ; ce rôle serait dévolu à l’embranchement Ouganda-Chari soudé à notre transsaharien. De même, les lignes de la Nigeria ne devront pas s’arrêter à Kano, mais rejoindre le rail français dans le Zinder. Le transafricain marquera sur tout un continent la fin de l’ère des voies de pénétration en impasse ; il pressera ainsi le règlement, combiné entre les puissances européennes, d’une législation efficace adaptée à la protection de la flore et de la faune indigènes, à la renaissance de la race noire : prohibition des