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rails lourds, locomotives puissantes, vagons à couloirs et à couchettes ; le transsaharien timide de jadis était prévu à voie étroite ; le transafricain sera construit sous d’autres proportions, et c’est précisément cette extension qui rend le transsaharien pratique.

Déjà la presse anglaise témoigne au projet français une curiosité sympathique ; en l’examinant de plus près, nos voisins reconnaissent aussi que le transafricain hâterait, en en transposant légèrement les termes, la solution du fameux Cap-Caire. Rien n’empêche en effet la construction ultérieure d’un embranchement entre l’Oubangui et le Soudan Egyptien, approximativement de Zémio à El Obéid, en corniche au-dessus des pays bas du Bahr el Ghazal ; pour notre part, nous jugerions plus intéressante une jonction plus difficile sur le terrain, celle de Zémio avec le lac Victoria Nyanza et le chemin de fer de l’Ouganda ; cette dernière voie deviendrait la route rapide de l’Europe vers l’Océan Indien du Sud, Madagascar, la Réunion, l’Ile de France. Sans même escompter l’avenir de si loin, la ligne transafricaine seule peut se promettre de transporter des voyageurs pour de nombreuses destinations ; nul ne pense à y faire courir des trains fréquens ; qu’il y en ait un par jour dans chaque sens, avec une centaine de voyageurs au total, c’en est assez pour justifier la création et pour couvrir, estime M. Berthelot, les frais d’exploitation. Aux gens d’affaires s’ajouteront peu à peu les touristes, les chasseurs de gros gibier ; les exploits cynégétiques de M. Roosevelt dans l’Ouganda deviendront, le long du transafricain, des prouesses banales.

Bien plus, négligeant complètement le trafic « né sur la voie, » ne doit-on pas prévoir, de bout en bout, des transports de marchandises ? Les voyageurs ne sont pas la clientèle exclusive des lignes de raccourci ; médiocrement outillé, parfois interrompu, le transandin qui unit depuis 1910 l’Argentine au Chili convoie en service normal les courriers, les colis postaux, les messageries ; il sert à tous les transports pour lesquels il n’est pas indifférent d’employer, entre Valparaiso et Buenos-Aires, quarante heures au lieu des dix à douze jours qu’exige le détour par Magellan ; encore la ligne andine est-elle à voie étroite, d’où transbordement obligatoire sur la voie large, au bas de chacun des versans. L’or et les diamans du Cap sont marchandises précieuses, qui emprunteront vraisemblablement les vagons du transafricain ; telle sera aussi la route des expéditions