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au transsaharien Algérie-Tchad, M. Paul Leroy-Beaulieu publiait sur ce sujet un livre fortement documenté qu’il donnait explicitement comme « une complète réhabilitation du Sahara (1904). » Le désert, disait-il, n’est rigoureux nulle part, les coins réputés les plus secs du Sahara voient quelquefois des pluies ; les points d’eau reconnus suffiraient, pour peu que les puits fussent entretenus, à l’approvisionnement des machines et des services d’exploitation d’un chemin de fer ; quant au trafic, pour ne rien dire des voyageurs, le transsaharien aurait à transporter du sel, des peaux, du coton, peut-être des minerais, en somme un fret capable de « rémunérer largement le capital engagé. »

Ces conclusions, bien qu’appuyées sur les observations des divers explorateurs et sur des calculs prudemment établis, paraissent teintées de quelque optimisme. Les renseignemens plus précis recueillis depuis 1904 sur le Sahara n’ont rien confirmé encore des hypothèses minières ; le trafic du sel n’occupe que quelques milliers de chameaux, et subit la concurrence des arrivages par mer ; le coton, essayé sur le moyen Niger, n’a fait encore l’objet que d’expériences très localisées ; les peaux ni les laines ne sont des produits de prix élevé pouvant supporter des transports chers ; si l’on en croit M. Gautier, l’un des savans les mieux informés sur le Sahara, le commerce transsaharien assurerait à peine la charge annuelle d’un train de marchandises. Admettons ces constatations peu réconfortantes ; elles ne s’appliquent qu’à l’état de choses présent et l’on sait qu’en pays neuf, même désertique, le rail fait naître le trafic ; à plus forte raison, lorsque la traversée du désert n’est qu’une étape entre des rives beaucoup plus riches, et riches de ressources différentes. Mais, même en supposant provisoirement nulle la circulation des marchandises, quel serait le capital à rémunérer ? Le rail atteint, dans le Sud-Oranais, Colomb-Béchar ; de là aux oasis extrêmes du Tidikelt, on compte 600 kilomètres, et 1 500 de ces oasis à Tombouctou, sur le Niger navigable ; de Biskra au Tchad, la distance dépasse peu 2 500 kilomètres. Au prix de revient raisonnable, et plutôt fort, de 100 000 francs par kilomètre, le transsaharien de l’Est monterait à 250 millions, celui de l’Ouest à moins de 200 millions, soit, à 4 pour 100 d’intérêt, des annuités de 10 ou de 8 millions ; ce ne serait pas une prime d’assurance redoutable pour notre budget national. Encore devrait-on inscrire en déduction toutes les économies sur les