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garde, avec son équilibre physiologique, son prestige de direction, sa lucidité de commandement.

Politiquement, enfin, le transsaharien nous permet de classer nos colonies d’Afrique ; entre les hautes terres de la Berbérie, le Soudan et le Congo, il sera l’artère vitale d’un « gouvernement des steppes » auquel ressortira logiquement toute l’administration du Sahara. L’Algérie et l’Afrique Occidentale, sous le régime actuel, se disputent ces « terres légères, » et l’Afrique Equatoriale en revendique une partie. Ce qui était naturel pendant la période de la conquête devient maintenant absurde ; il est ridicule de tracer une frontière, évidemment toute cartographique, en plein Sahara, parce qu’il est jugé opportun de donner satisfaction aux autorités des deux rives. Réfléchissons que, depuis dix ans déjà, le « Sud, » en Algérie, a son administration et son budget particuliers ; de même les confins sahariens de l’Afrique Occidentale sont, en fait, sous le nom de territoire militaire, un organisme distinct du reste de la colonie. Le commandement du général qui résiderait au milieu du transsaharien, à Agadès ou Zinder par exemple, offrirait moins d’agrémens qu’un chef-lieu de corps d’armée en France, mais toute l’organisation saharienne aurait alors son unité, assurée par la continuité d’une voie toute française. Lorsque le transsaharien sera terminé, aucun point de nos colonies africaines ne sera éloigné de plus de vingt-cinq ou trente étapes d’une station sur le rail français ; les ravitaillemens du Ouadai seront affranchis d’un détour de huit mois, par le chemin de fer du Congo belge. Et peut-être une administration logique du Sahara nous conduira-t-elle à une autre nouveauté désirable, l’institution d’un ministère de l’Afrique Française.


Ce transsaharien souhaitable, objectent les pessimistes, représente, au plus favorable, d’immenses sacrifices financiers. Le budget français, lourdement chargé, succomberait si l’on ne cessait délibérément de lui imposer des dépenses non strictement obligatoires. Mais d’abord le transsaharien nous parait une de ces dépenses-là ; de plus,. à l’examen critique, on s’aperçoit que les frais en seront beaucoup moins gigantesques qu’on ne l’imagine au premier abord ; enfin des idées toutes nouvelles, que nous exposerons plus bas, simplifient encore la solution de ce problème national. Alors que l’on pensait seulement