Page:Revue des Deux Mondes - 1913 - tome 16.djvu/674

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

trente mille hommes de plus, l’effectif d’un corps d’armée. En cas de guerre continentale, ces troupes viendraient garder l’Afrique du Nord, laissant disponibles pour d’autres emplois tous les contingens, européens et indigènes, du 19e corps et de la division de Tunisie.

La combinaison, en principe, est excellente ; mais elle suppose la permanence de relations rapides entre l’Algérie et le Soudan ; des petites expériences tentées, avec deux bataillons noirs, dans le Sud-Oranais, il ressort que l’Afrique méditerranéenne ne doit pas être, en temps de paix, le dépôt d’unités dont les soldats constituent surtout des troupes de campagne ; nos noirs s’acclimatent dans les oasis, c’est entendu, mais ils s’y sentent déracinés, mauvaise condition pour donner tout leur effort utile ; le trajet par les voies actuelles, du moyen Niger aux oasis sud-algériennes, par Dakar et Oran, n’est-il pas au moins d’un mois ? Quelle différence, économique, morale, lorsque quatre ou cinq jours seulement les sépareront de leurs pays, de leurs tribus ? Avec le chemin de fer transsaharien, le corps d’armée noir a sa ligne de mobilisation et ces soldats, bien formés dans leur milieu, gagneront aisément, le moment venu, les postes de défense ou de combat qui leur seront assignés.

Les Allemands insistent sur ce rôle stratégique du transsaharien ; nous sommes maîtres chez nous et, si nous tâchons à mieux administrer notre patrimoine national, nous ne dénions à personne le droit d’en faire autant : nous nous abstenons de toutes réflexions désobligeantes en présence des augmentations considérables des effectifs allemands du temps de paix. Mais il n’est pas vrai que le transsaharien ne soit qu’une ligne militaire ; il apparait plus immédiatement encore économique, si l’on songe qu’il sera la route rapide des administrateurs, des commerçans, des planteurs français entre la Méditerranée et l’Equateur. Des capitalistes nord-américains n’hésitent pas, sous nos yeux, à s’enfoncer dans les forêts de l’Amazonie, parce qu’ils ont organisé sur le réseau navigable et, par chemin de fer, entre les biefs, des communications rapides ; ils ménagent ainsi les capitaux affectés aux transports, et cet autre capital plus précieux qui est la santé du blanc sous les climats équatoriaux. A dix jours de France, le Congo n’est plus la colonie dangereuse, où l’Européen arrive débilité par les étapes préliminaires ; il