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restera morcelée. Un transsaharien lui permettra de vivre sa vie pleine, de courir toutes ses chances d’avenir.


II

Les conditions présentes de l’Afrique et de l’Europe sont telles que notre domaine africain devient une des pièces essentielles de la puissance française dans le monde. Le chemin de fer transsaharien fut compris, à l’origine, comme devant relier seulement l’Afrique méditerranéenne au Soudan ; aujourd’hui, nous estimons nécessaire qu’il soit prolongé jusque dans l’Afrique Equatoriale. Sa raison d’être, en effet, est d’assurer la jonction pratique, indépendante de tout contrôle étranger, des diverses parties de notre empire, et l’Afrique Equatoriale ne saurait être négligée ; trop longtemps elle fut la « Cendrillon » de nos colonies, contrainte à grandir sans dot ; elle paraissait promise à de prochains dédommagemens, lorsque l’accord franco-allemand de novembre 1911 lui a fait payer notre liberté d’action au Maroc. Elle possède, sur les territoires qui lui restent, des richesses forestières indéfinies dans la zone proprement congolaise et, sur les confins soudaniens, de vastes régions de culture et d’élevage, peuplées d’indigènes moins grossiers. Le chemin de fer transsaharien, s’il s’arrêtait aux limites du Soudan, ne remplirait pas tout son rôle, qui est de permettre la circulation facile des Européens, initiateurs et surveillans du progrès, à travers les contrées aux ressources diverses de toute notre Afrique..

Aussi posons-nous en principe l’utilité politique du transsaharien, complété par son prolongement congolais ; ce chemin de fer servira sans doute à l’échange des personnes avant que ses trains soient lourdement chargés de marchandises ; mais ceux-là mêmes qui en ont accueilli l’idée avec le plus de scepticisme n’ont jamais contesté qu’il fût une valeur impériale. Et d’abord, ils l’admettent comme utile à la création de notre « armée noire. » La baisse de la natalité métropolitaine nous invite à renforcer nos armées en y incorporant de nombreux sujets français, indigènes de l’Afrique du Nord, noirs de l’Afrique tropicale ; toutes les campagnes coloniales ont fait briller les qualités militaires de nos « tirailleurs sénégalais ; » il est avéré que nous lèverions sans peine, parmi ces populations, vingt à