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Un régime économique nouveau doit être introduit parmi les populations noires, en correspondance avec ce changement social. Il y a une dizaine d’années, un humoriste définissait l’Afrique soudanaise « un pays qui manque de nègres ; » ce n’est qu’une boutade, mais qui exprime la surprise légitime des voyageurs, trouvant à peine peuplées des régions certainement habitables et même fertiles. Des siècles de guerres et de servitude les ont appauvries ; mais, quelle que fût leur malfaisance, les chefs négriers et les caravaniers du Sahara représentaient pour les noirs des cadres politiques ; si nous avons eu raison de les briser, il faut les remplacer, soit par des Européens, soit par des noirs que nous élèverons peu à peu dans leur race. Éducation ou gestion directe exigent la présence en nombre de moniteurs blancs ; c’est là une conclusion que pose irrésistiblement le fait même de la conquête. Les noirs, même affranchis, ne seront pas immédiatement capables d’un travail assidu, réparateur pour le pays. Que l’on ne juge pas du Soudan intérieur par le bas Sénégal, où les contacts sont depuis longtemps établis et les exemples donnés par les colons exactement appréciés par les indigènes. L’exploration du Sahara ne suffit donc pas à rapprocher effectivement les deux rives du désert, à développer l’action civilisatrice des blancs sur les noirs de l’Afrique tropicale et équatoriale ; la tâche entamée n’est pas finie.

Les dix années qui viennent de s’écouler n’ont pas été stériles : l’unité purement cartographique et diplomatique de notre empire africain a été précisée par la jonction de nombreux itinéraires, par la détermination d’une méthode de reconnaissance, d’inventaire et de domination politique à travers le Sahara. Cette œuvre ne comporte plus que des additions et des retouches de détail dans les régions orientales. Mais avouons sans fausse modestie que nous l’avons menée à bien en « jouant la difficulté, » au bout des fils ténus de nos lignes d’étapes, en marge de colonies laissées, pratiquement, sans lien les unes avec les autres. Le moment est venu de consommer une union plus intime, et de faire ainsi un faisceau de toutes nos forces africaines. Après le massacre de la mission Flatters, l’opinion s’était désintéressée des chemins de fer transsahariens ; des raisons impérieuses nous commandent de reprendre et de réaliser au plus tôt ces projets. Sans transsaharien, l’Afrique française