Page:Revue des Deux Mondes - 1913 - tome 16.djvu/670

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Cet instrument fut ensuite amélioré, à mesure que nous entrions en relations plus sûres avec les indigènes, éleveurs de ce chameau rapide et très délicat qu’est le méhara. Du Touat rayonnèrent des raids sahariens, à travers les pâturages des Touaregs et les arrems où, sur des plaques de sol plus humide, leurs captifs s’acharnent à de pauvres cultures. Militaire et scientifique tout ensemble, cette expansion a fait justice des terreurs arabes, dénonçant les pays « de la poudre et de la peur. » Les pasteurs du Sahara sont pirates par indigence ; leur vie, comme celle des plantes de la steppe, est réduite à un minimum d’exigences physiologiques ; ils sont endurans, sobres et, à l’occasion, voraces comme des animaux de proie, toujours en quête d’une subsistance incertaine ; leur garantir une existence moins dure est, après les frictions du premier contact, le moyen sûr de les apprivoiser. Ainsi avons-nous fait progressivement des Hoggars, dont le chef principal, Moussa Ag Amastane, est aujourd’hui pour nous un auxiliaire intelligent ; ainsi faisons-nous aujourd’hui des Azdjers du Nord-Est, des Aouellimidens et des Kélouis du Sud, en attendant que nous nous conciliions de même les Ouled-Slimans et les Tibbous du Sahara oriental. L’Afrique Occidentale Française a pris sa part de la découverte du Sahara ; la première rencontre des troupes parties des deux « rives » eut lieu au Nord-Est de Tombouctou, en avril 1904 ; depuis lors, ces réunions concertées furent fréquentes ; le « péril targui » s’est évanoui, comme un mirage du désert.

L’inventaire scientifique du Sahara est en bonne voie. Deux géologues, MM. Chudeau et Emile Gautier, ont parcouru à plusieurs reprises le désert occidental, et publié des documens qui mettent au point la thèse, si complète et si remarquable à sa date, de M. Henri Schirmer, parue en 1893. Les études sont moins avancées pour les régions orientales, dont la France ne possède pas la façade méditerranéenne, la Tripolitaine. Au Sud, autour du Tchad, la « mission Tilho, » dont l’objectif principal était l’abornement d’une frontière franco-anglaise, a ramassé une moisson de renseignemens géologiques, géographiques, ethnographiques, dont une partie est déjà publiée : nous avons aussi des relations d’officiers sur les régions du Ouadaï. En somme, il nous est maintenant permis de nous faire du Sahara une idée suffisamment précise. Ce désert ne ressemble en rien à une dépression uniformément couverte de sable, où le légendaire