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pensée du Comité de l’Afrique Française, !’ « utopie » dont riaient les ironistes et les négateurs, était réalisée sur le terrain ; les trois tronçons s’étaient soudés. La prise de possession française coïncide avec la disparition des derniers négriers du Tchad ; une aube se lève sur l’Afrique centrale.


Le Sahara, — le succès de Foureau l’a prouvé, — n’est donc pas infranchissable. La complaisance dédaigneuse de lord Salisbury nous aurait-elle abandonné un lot de quelque intérêt ? Il ne semble pas que cette bande désertique offre un grand attrait par elle-même ; la colonne Foureau-Lamy, sans doute, n’a en rien souffert des Touaregs, qui la savaient trop forte pour rien tenter contre elle ; mais elle a traversé de vastes régions sans eau, des montagnes sèches, des plateaux poussiéreux tour à tour brùlans et glacés ; entre l’Afrique méditerranéenne et le Soudan, cette première expérience complète démontre que le Sahara demeure un obstacle. Il est d’autant plus souhaitable de le supprimer que les régions qui l’encadrent sont mieux connues, plus complètement occupées, plus capables de commander un effort qui assure l’effective continuité de leurs territoires ; la pénétration saharienne est entrée dans la période décisive, celle des solutions.

Nous n’en raconterons pas ici les péripéties. Qu’il nous suffise d’en marquer les étapes et d’en retenir les leçons. Les années 1898 et 1899 ont été signalées par deux conventions franco-anglaises, qui ont terminé, sur la carte, la délimitation de l’Afrique Française ; les frontières entre Niger et Tchad ont été fixées, puis, après les événemens de Fachoda, celles du Soudan oriental ; le Darfour fut reconnu zone d’influence anglaise, le Ouadaï ressortit à la France ; la colonie française de l’Afrique Equatoriale engloba tout le Sahara, au Sud des dernières oasis tripolitaines, alors occupées par les Turcs, c’est-à-dire jusqu’au Fezzan ; ainsi fut complétée la définition du cadre désertique, intermédiaire entre nos trois grands groupes coloniaux africains. Dès 1900, nous en avons commencé l’exploration et l’occupation progressives ; nous nous établissons dans les « oasis sahariennes » du Sud-Oranais, Gourara, Touat, Tidikelt ; nos soldats mettent garnison dans Adrar, qui est la plus méridionale, en janvier 1901.

Dans les oasis sahariennes, en avril 1902, furent formées les premières troupes spéciales pour la reconnaissance du désert, des compagnies mixtes de fantassins, de cavaliers et de méharistes.