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que ces « terres légères où le coq gaulois pourrait gratter à son aise. » Des missions partaient, cependant, de plus en plus populaires, à mesure que l’opinion, éclairée par le petit groupe désintéressé des coloniaux d’avant-garde, estimait plus justement la valeur nationale des conquêtes à accomplir : Crampel, monté du Congo, était massacré par le sultan Snoussi, sur la limite des nègres forestiers et des musulmans chasseurs d’esclaves (1891) ; d’autres s’élançaient sur ses traces, et, désormais, aucun traité de limites, entre Niger et Congo, n’était signé sans qu’il fût tenu compte des droits ainsi gagnés par la France. Du Sénégal, en 1891, Monteil avait atteint le Tchad, puis, traversant le désert de part en part, était sorti sur la Méditerranée par Tripoli ; d’autres, s’appuyant sur le haut Sénégal et sur les colonies côtières du golfe de Guinée, réunissaient dans l’arrière-pays du Soudan toutes nos anciennes possessions littorales, puis marchaient, à l’Est du bas Niger, vers le Tchad. En 1897, pour la première fois, une chaloupe à vapeur flottait sur les eaux du lac, portant les couleurs françaises ; c’était, descendue par le Chari, la canonnière de Gentil, le Léon-Blot.

L’échec de la mission du colonel Flatters, en 1881, frappa d’un long discrédit les tentatives de pénétration du Sahara par le Nord. En 1898 seulement, sur les fonds d’un legs recueilli par la Société de Géographie de Paris, une expédition transsaharienne fut décidée ; elle était dirigée par un expert du Sud algérien, M. Foureau, et fortement constituée par une colonne de tirailleurs algériens, aux ordres du commandant Lamy. Partie d’Ouargla, au Sud de Constantine, le 23 octobre 1898, elle atteignait le 28 juillet 1899 Agadès, où des eaux superficielles moins rares annoncent l’approche du Soudan ; poursuivant son chemin, elle rencontrait d’autres officiers venus de l’Ouest, c’est-à-dire du Sénégal, et les deux groupes de conserve poussaient jusqu’au Tchad. Là, des Français arrivaient au même moment, partis du Congo pour venger les camarades assassinés sur la ligne de front par le conquérant musulman Rabah. En. avril 1900, la concentration était achevée : sept cents réguliers indigènes, une trentaine d’Européens étaient rassemblés sous la direction supérieure de Gentil ; cette poignée d’hommes attaquait à la française les 5 000 guerriers de Rabah, les décimait et mettait en déroute ; Rabah lui-même était tué en cette journée de Kousseri (24 avril), qui nous coûtait la perte du commandant Lamy. Cette fois, la