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il est borné par le Sahara ; au Sud, il est séparé des ports du golfe de Guinée par une bande plus ou moins large de forêt équatoriale, à travers laquelle s’ouvrent des couloirs mal frayés. L’occupation s’est avancée en partant du front sénégalais de l’Ouest, qui appartient à la zone presque désertique encore ; le fleuve Sénégal est une voie de pénétration seulement temporaire, pendant la crue d’été ; en attendant qu’une ligne ferrée relie en permanence Kayes, terminus de cette navigation dans la saison privilégiée, et les ports de l’Atlantique, nos communications de ce côté resteront lentes et souvent précaires. Sans être un Eldorado, le Soudan n’est pas un pays indigent ; il a des terres drainées qui se prêtent à la culture du coton ; des races d’animaux domestiques, élevées conformément au climat, peuvent y prospérer ; elles contribueraient au ravitaillement en viande, en laines, en peaux, de marchés extérieurs et peut-être éloignés, si les transports étaient organisés pour maintenir assez bas les prix de revient ; déjà l’on doit noter, dans les limites de la colonie elle-même, des échanges actifs : production et consommation locales sont en hausse, aussi bien que dans l’Afrique du Nord. Mais, si l’on excepte le caoutchouc, matière riche, l’exportation n’est guère que de produits nés au voisinage des côtes. De plus les Français, dont la direction est nécessaire pour améliorer l’agriculture indigène, sont peu disposés à s’établir dans l’intérieur, alors que des voyages longs et pénibles leur sont nécessaires pour se rendre à pied d’œuvre.


Dans l’Afrique Equatoriale, troisième lot de notre domaine, nous rencontrons une nature originale et des hommes différens ; déjà ces traits sont esquissés dans les parties forestières de notre Afrique Occidentale, l’arrière-pays de la Côte d’Ivoire, par exemple. La végétation y est souveraine, surtout au voisinage des rivières, qu’encadre la forêt-galerie. Les bois de nos contrées sont, au plus profond des futaies, égayés par le jeu mobile des rayons du soleil ; sous l’équateur, la lumière ne perce pas l’épaisseur des feuillages ; les arbres ne s’épanouissent qu’au bout de troncs élevés, les lianes montent à l’assaut du jour, le long de ces fûts qu’elles étreignent d’une verdure sombre ; la terre est masquée par une jungle inextricable de racines enchevêtrées ; les pluies déversées sur ces masses forestières, en quantités triples de celles de l’Europe occidentale (2m,50