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du XIXe siècle, cessèrent progressivement de vendre des nègres pour les plantations d’Amérique, des chefs, musulmans ou islamisés, persistèrent à ravager l’Afrique, avec des bandes de sofas dont le noir était toujours le meilleur butin ; l’appareil dont s’entouraient ces brigands, plus instruits que leurs victimes, a pu faire illusion à quelques blancs, agréablement reçus par eux ; en fait, les fortunes d’un Tippo-Tib sur le Tanganika, d’un Ziber sur le Haut-Nil, d’un Samory près du Niger étaient fondées sur des ruines : le nègre d’Afrique était voué à disparaître, si l’Europe n’était intervenue pour le secourir. Dans cette œuvre, la France a laborieusement donné l’exemple et c’est ainsi, de proche en proche, qu’elle a créé son empire ouest-africain. Au début, le Sénégal fut son seul front d’attaque ; puis la conquête s’appuya sur d’autres points du littoral, antérieurement occupés sans aucun dessein d’ensemble : des Rivières du Sud, aujourd’hui Guinée française, de la Côte d’Ivoire, du Dahomey, des colonnes s’enfoncèrent vers le Soudan ; peu à peu, devançant nos rivaux, les itinéraires de nos explorateurs se lièrent dans l’arrière-pays et l’Afrique Occidentale Française se constitua, seule compacte à l’intérieur, bloquant les étrangers en quelques colonies côtières.

Cette extension s’est accomplie au bénéfice principal de la race noire ; ici les conditions géographiques ne permettent pas, comme dans l’Afrique méditerranéenne, la colonisation directe par un peuplement européen ; une dissemblance fondamentale s’accuse donc, dès le premier coup d’œil, entre ces deux groupes de colonies ; même par ses indigènes, l’Afrique du Nord mérite d’être appelée aussi l’Afrique blanche ; sur le Sénégal et le Niger, nous entrons dans l’habitat des noirs. Certes les aspects ni les ressources ne sont identiques entre la latitude de Tombouctou et celle du golfe de Guinée ; mais partout cette nature est, de plus loin qu’en Algérie, distincte de celle de l’Europe. La France possède, dans l’Ouest Africain, des Indes noires, beaucoup moins peuplées que les Indes britanniques, qui sont une des fourmilières de l’humanité, mais riches de « possibilités » qui les font complémentaires, et non concurrentes, des régions plus tempérées de notre planète.

Le Soudan, c’est-à-dire la zone intérieure, est la partie de notre Afrique Occidentale où ces caractères sont le mieux marqués. Or l’accès en est, de toutes parts, difficile : au Nord,