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européenne défiante nous a déterminés, plus qu’un parti pris raisonné d’innovations, à inaugurer en Tunisie le système plus délicat du Protectorat. Postérieurement, une pente irrésistible nous fait glisser au Maroc ; là aussi nous avons subi les impulsions plutôt que nous ne les avons données ; nous entrevoyons seulement les épreuves que nous peut coûter encore ce final nécessaire d’une restauration de l’Afrique romaine.

Pourtant, il n’est pas un Français aujourd’hui qui n’apprécie la possession de ce domaine nord-africain. Quelles que soient, au cours des années prochaines, les difficultés de l’action française au Maroc, quelles que soient les directions qui la guideront, il est clair que nous garderons sous notre contrôle prépondérant ce Finistère atlantique de la Berbérie. Une abdication, de ce côté, ne serait possible qu’après l’écrasement complet de notre pays sur d’autres champs de bataille ; et nous saurions, si des événemens plus forts que notre volonté nous y engageaient, disputer au moins la victoire. Il n’est donc pas présomptueux de considérer ici l’Afrique septentrionale française de demain dans son extension complète, de la Tunisie au Maroc. Une étude attentive des populations indigènes de la Berbérie nous persuade de la fausse unité de ce nom d’Arabes, sous lequel nous les désignons toutes ; elle nous révèle les fissures multiples de l’Islam, trop volontiers figuré bloc infrangible ; elle nous montre ici des cultivateurs acharnés, races vigoureuses de colonisation pour les vallées et les plaines resserrées, là des pasteurs dont l’activité plus extensive est celle qui convient le mieux aux vastes horizons des steppes. A côté de nos compatriotes et des étrangers européens, les indigènes ont ainsi leur part, — une part considérable, — dans le progrès de l’Afrique du Nord. Quels qu’en soient les ouvriers, ce progrès portera la marque de la civilisation française.

Cet empire, si précieux par sa valeur propre, n’a pas cependant sa fin tout entière en lui-même ; prolongement de la France en Afrique, il lui appartient de rayonner sur ce continent. Des Algériens furent, partis de la plaine de Bône, les premiers colons de la Tunisie, après l’institution du protectorat ; les défricheurs de l’Oranie ont débordé sur les « confins algéro-marocains, » dès que nos troupes y tinrent garnison ; nombreux sont les Français d’Algérie et de Tunisie, parmi nos premiers résidens de Tanger, de Casablanca, de Fez. On sait moins que